Salon des Séniors à Paris. Tout passe par le numérique et la statistique. D’où ce rappel qu’ils constituent à ce jour un tiers de la population en France. Nul ne prétendra qu’ils aient capacité, du fait de l’âge, à servir de guides aux jeunes générations. Bien au contraire. Un simple regard dans le rétroviseur suffit à constater un passé de révolutions, de guerres et d’atrocités que fut celui vécu par les séniors.
Tout au plus pourraient-ils chuchoter ou crier selon les cas et les tempéraments « Plus jamais ça ! ». Mais fini le temps où Berthe filait et où les anciens dominaient en gérontes s’attribuant la sagesse. N’était-ce pas le sens de ce proverbe appelant la bénédiction sur le banc où s’asseyait la barbe blanche ? Au moins, reconnaissons- le, peuvent-ils attirer l’attention sur les folies qui furent celles du monde et du temps de leur jeunesse et de leur maturité. On pourrait l’appeler la folie de Don Quichotte. Le fou avait dit : « Enlevez de devant mes yeux ceux qui affirment que les lettres doivent l’emporter sur les armes. Quels qu’ils soient je leur dirai qu’ils ne savent pas ce qu’ils disent. » Et ce cinglé prétendait que « les armes n’ont pas d’autre objet ni d’autre but que la paix. » Lorsqu’il était revenu chez lui le curé du village brûla les livres de lecture qui l’avaient dérangé du cerveau. Mais la démence était incurable et Don Quichotte repartit vers l’aventure. Son fantôme reviendrait-il hanter nos cervelles ? Nous avons cru, du moins pour l’Europe, que les démons des armes et des violences étaient conjurés. Mais la crise mondiale aidant voici qu’ils réapparaissent. Et c’est bien de la pérennité de la paix qu’il s’agit, lorsque de vieux spectres reviennent. Nous entendons souvent, dans nos médias corses, et certes innocemment sans doute, certains se repaître du terme « Mare nostrum » pour désigner la Méditerranée. Certes, ce « Mare Nostrum » a existé. C’était l’empire romain. Les Romains détruisirent les peuples conquis qui n’acceptaient pas l’esclavage. Voilà ce qu’était leur Méditerranée. Ce ne peut être la nôtre. Aujourd’hui voici qu’à nouveau de sombres passions fermentent. On oublie que le vingtième siècle est né et a persisté longtemps dans le sang. Il a connu une immense destruction de vies et de richesses humaines. On avait cru que certaines haines, ou certains instincts de mort s’étaient atténués. Et voici que réapparaissent des luttes de religion et de xénophobie. Le massacre des innocents de Toulouse, horrible métaphore de génocide et de l’humanité vient de secouer les consciences. Voilà aussi que se désagrège un esprit européen que l’on croyait acquis. Des sentiments de méfiance se développent à nouveau entre des peuples que l’on considérait amis. Attention au nationalisme économique qui semble se lever dans la campagne présidentielle française. Attention aux appels ou aux excitations lancés pour enivrer les masses ! La désagrégation des rapports sociaux à l’intérieur, et de la solidarité entre les peuples serait catastrophique. Nos dirigeants, quels qu’ils soient, sauront-ils sauver du naufrage la démocratie et la liberté ? Les Seniors pourraient seulement dire, d’expérience, avec le poète : « Hélas ! Ayons des buts, mais pas de cibles/Ayons la vie et non la mort dans notre main. » (1)
Marc Aureliu Pietrasanta.
(1) Victor Hugo. »Le crapaud »