Le musée départemental de l’Alta Rocca, à Levie, présente jusqu’au 11 avril prochain, une exposition consacrée à la bande dessinée corse, intitulée Couleurs d’Histoire(s). Au programme, plusieurs personnages cultes de notre histoire, comme Pasquale Paoli, Sampiero Corso, Théodore de Neuhoff, Colomba, les Giovannali ou bien ces enfants bagnards qui furent envoyés dans un pénitencier à Ajaccio sous le Second Empire. Sur des textes de Frédéric Bertocchini, les visiteurs pourront découvrir les méthodologies de travail d’un scénariste, en lien direct avec des dessinateurs, les différentes phases de réalisation d’une bande dessinée : le repérage, la documentation, le script, le découpage, les dialogues, le story board, le crayonné, jusqu’à l’encrage et la colorisation et lettrage des planches. Un travail de titan d’un an environ, pour la réalisation d’un seul album. La fresque historique permet de ce fait d’apporter de l’image, là où il n’y en pas quasiment pas dans certains cas, et peu dans d’autres. Le résultat est souvent très étonnant. Le vernissage de l’exposition, retardé d’une quinzaine de jours en raison des intempéries neigeuses, s’est déroulé le week-end dernier, à Levie, en présence de Janine de Lanfranchi, la conservatrice, mais aussi de Frédéric Bertocchini, des visiteurs et notamment de nombreux enfants venus pour l’occasion.
Frédéric Bertocchini, vos bandes dessinées dans un musée, ça vous inspire quoi ?
FB : De la fierté bien entendu. C’est gratifiant de savoir qu’un travail est ainsi reconnu, que des historiens lui trouvent un intérêt pédagogique, voire scientifique. D’autant que les albums sont réalisés sans prétention aucune. Avec les dessinateurs, nous voulons simplement introduire des récits fictifs dans des contextes historiques véritables, aidés par une grande documentation. Au départ, l’idée est surtout de divertir un lecteur, de le transporter dans un univers, de le faire rêver. Qu’on y trouve ensuite un intérêt historique est la cerise sur le gâteau. Lorsque j’ai commencé cette fresque historique en 2007, je ne pensais pas que l’impact serait aussi important.
Avez-vous participé à la réalisation de l’exposition ?
FB : Non. J’ai simplement donné tous les éléments à la conservatrice : des documents, des planches, des crayonnés, des photos. Ensuite, c’est Janine de Lanfranchi et toute son équipe du musée départemental qui ont réalisé un magnifique travail de reconstitution. L’exposition est très complète, très riche, et met parfaitement en parallèle l’histoire de la Corse et les récits de bande dessinée. L’exposition a été réalisée avec finesse et originalité. J’ai été par exemple très surpris de voir que le scénario du « Bagne de la Honte » a été entièrement publié sur des panneaux. En général, les scripts ne sont lus que par les éditeurs et les dessinateurs. Il y a une vraie proximité, voire même une intimité entre un scénariste et un dessinateur. Le fait de publier un scénar’ entièrement, c’est l’équivalent d’une mise à nu. Je tiens à remercier Janine de Lanfranchi pour son initiative. Certaines sphères dites intellectuelles considèrent encore la bande dessinée comme un art mineur. C’est dommage. Des expositions BD dans un musée départemental témoigne d’un certain courage à mon sens.
La fresque corse va-t-elle s’enrichir ?
FB : Bien entendu. De nouveaux albums vont arriver. Avec Eric Rückstühl, nous préparons un Sampiero Corso en deux tomes (premier épisode cet été), ainsi qu’une nouvelle série dont l’histoire se déroulera en Corse au cours de la première guerre mondiale. Nous raconterons comment les Corses ont vécu la Grande Guerre. Je parle des Corses qui sont restés au pays, pas des Poilus. En avril, le premier tome de « Libera Me » sortira en librairie. Il s’agit du premier volume d’une trilogie consacrée à deux hommes : un Corse et un Irlandais, tous les deux révolutionnaires dans les années 80, et membres du FLNC et de l’IRA. Il s’agit d’une vraie fiction, un thriller politique, co-scénarisé par Miceal O’Griafa et dessiné par Michel Espinosa (couleurs de Nino). Enfin, en juin sortira une adaptation de « Colomba », œuvre de Mérimée, dessinée par Sandro. Par la suite, encore plein de choses, mais qui ne concernent pas la Corse.
E.C.