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Chroniques de Jérusalem, par Guy Delisle

jeudi 24 novembre 2011, par Journal de la Corse

Guy Delisle est un auteur de bande dessinée. Il est scénariste, et dessinateur. Mais il est aussi et surtout un observateur au regard perçant. Alors que son dernier séjour à Jérusalem s’est étendu sur un an, l’exercice journalier du croquis lui permet aujourd’hui de recomposer un portrait morcelé et paradoxalement lumineux de ses nombreux quartiers, où cohabitent dans la tourmente les plus grandes religions monothéistes. Guy Delisle nous raconte son voyage et son expérience.

Quelle fut la motivation à l’origine de cet ouvrage ?

Je ne réalise pas un livre après chaque voyage. Et sur place, je ne suis jamais sûr de rien, tant que je ne suis pas submerger par le quotidien. Ce qui m’a motivé, dans le cas de mon séjour à Jérusalem, c’est la méconnaissance géographique des Français, à mon retour à Montpellier. C’est-à-dire que tout le monde connaît l’existence du mur et les motivations du conflit, mais personne ne sait réellement à quoi ressemble le quotidien sur place, et comment la vie humaine est organisée. Mes amis me posaient beaucoup de questions, sur l es divisions, sur les colonies, les barrages, les différents quartiers, les moyens de circulation. Le déclencheur a peut-être été ce copain arabe qui fut totalement surpris de découvrir qu’il y a plusieurs villes en Cisjordanie. Des villes aux contextes très différents, auxquelles je pouvais accéder. Je me suis dit qu’il fallait que je raconte ça, que je le montre à l’aide du dessin.

Comment travaillez-vous l’écriture et le style de vos albums ?

J’ai vraiment l’impression d’écrire une grande carte postale, à ma famille, à mes amis. Je n’essaie pas réellement d’aller plus loin. Je fais très attention à décrire le plus précisément possible ce que j’ai vu, et la bande dessinée m’apparaît naturelle pour ça. Lorsque je ne trouve pas les mots, le dessin me vient, et vice-versa. Dans le cas de Jérusalem, j’ai travaillé mon écriture pour étoffer la retranscription des décors et des ambiances. Mon dessin est simplifié, mon texte également. Mon esthétique s’est appuyée sur des outils nouveaux, comme les masses de noirs et la mise en couleur. J’ai également utilisé des feuilles plus grandes, afin de pouvoir glisser plus de détails et d’informations dans les cases, et jouer sur les différences d’échelle entre les personnages et les décors. Et surtout, j’ai réutilisé les 500 croquis que j’ai réalisés durant cette année de dessin complètement libre à Jérusalem comme source pour rendre la complexité architecturale de cette ville.

Votre position dans ce livre apparaît parfois plus engagée que de coutume ?

Ma compagne partait en mission pendant un an à Jérusalem. Ce fut une période intense sur place, en termes d’événements tragiques et de rencontres. De retour à Montpellier, j’ai réalisé qu’il y avait là matière à écrire un carnet, mais j’ai aussi compris que je devais aller plus loin que dans les précédents. Pour Shenzhen, Pyongyang et Chroniques birmanes, deux-trois coups de crayons avaient suffi à brosser le portrait de dictatures ou de pays relativement ignorés. Mais la situation à Jérusalem est bien mieux connue des occidentaux. Il me fallait trouver un équilibre pour décrire la réalité complexe sur place en évitant tant que possible d’arbitrer, de commenter. Pour la première fois, néanmoins, mon point de vue transparaît à quelques endroits. Une année de séjour, nourrie de rencontres intéressantes m’a peut-être impliqué plus que de coutume. Notre vie s’est entremêlée au quotidien du pays. Et bien que je sois Canadien, et non religieux, l’histoire de l’Occident me ramène à Jérusalem. Certaines scènes auxquelles j’ai assisté sur place m’ont fait honte. Ce fut donc beaucoup plus dur de rester dans ce rôle de simple observateur que je ne veux absolument pas quitter.

Francescu Maria Antona

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