Mélomanes craintifs, n’ayez pas peur ! Oui, c’est bien de Schönberg qu’il s’agit aujourd’hui, mais de celui qui a précédé le créateur du dodécaphonisme (1), à l’exception des pièces 9 et 10, très abordables toutefois elles aussi, à condition de ne pas bouder systématiquement tout ce qui relève de la musique contemporaine, comme il n’est que trop courant. Si la musique de notre temps ne motive qu’assez peu de mélomanes, la raison est plus simple qu’on le croit. Nous vivons encore en un monde où la musique tonale (2) s’est installée profondément dans nos oreilles et nos esprits. Un enfant très jeune, nous en avons fait l’expérience, n’est pas rebuté par la musique moderne. On a trop longtemps affublé cette musique et en l’occurrence celle de Schönberg de masques grimaçants qui l’ont cloisonnée dans un espace d’initiés, hermétiquement fermée au profane et à des mélomanes butés. Finissons en avec l’image réductrice d’une musique « casseuse de tonalité » (2). De surcroît, Schönberg inaugura sa carrière de compositeur par des œuvres encore assez fidèles à la musique tonale, comme c’est le cas de compositions recommandées ce jour. Il s’agit d’un album renfermant dix pièces pour chœur et orchestre, pour orchestre seul et pour chant seul. Le tout est exécuté par l’Ensemble Intercontemporain dirigé tour à tour par Laurence Equilbey et Jonathan Not.(3).Voici quelques références concernant le programme de cet album : « Friede auf Erden » (« Paix sur la terre », « Farben » (colorer), « Drei Volksliedsätze » (trois chants populaires), « Kammersymphonie für 15 solo Instrumente », « Verbeusement » (alliance), etc…Schönberg se distingue comme volonté à la recherche d’une juste expression de la foi personnelle qui se confond avec la foi d’une communauté. En l’occurrence la communauté juive surtout qu’il rejoignit après s être converti au protestantisme, en 1933 tandis qu’Hitler accédait au pouvoir. Façon courageuse de refuser le nazisme. Virtuosité exubérante de l’écriture que celle de Schönberg, enclenchant une irrésistible arabesque des lignes mélodiques. Il représente un tournant décisif dans la musique du XXe siècle, au même titre que Stravinsky Sa démarche compositionnelle se transforma à partir des années 1909-1911, constituant une réelle attaque de front contre l’enseignement traditionnel qui justifiait le système tonal. Mais ceci est une autre histoire.
Vincent Azamberti
(1) dodécaphonisme : méthode de composition avec douze sons non apparentés entre eux, comme se présente la musique occidentale avant Schönberg
(2) tonalité : désigne la sujetion d’une série de sons à une tonique, c’est à dire à un son choisi autour duquel gravitent les autres sons.
(3) Naïve V5008