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Caveant consules

jeudi 8 décembre 2011, par Journal de la Corse

Débat public au Palais des congrès d’Ajaccio ces jours-ci. Initiative du Conseil exécutif de Corse. Intervention remarquée du directeur général adjoint d’« Opinion way », Bruno Jeanbart. Cet institut de sondage donne une photo d’identité de l’opinion corse, caractérisée par l’ignorance, l’indifférence et le repli sur soi à l’égard des institutions européennes. Seule exception, les avantages utilitaires c’est-à-dire l’euro. Autrement dit, le fric qu’on peut tirer de l’UE. Bref, un esprit public au ras des pâquerettes, en d’autres termes une absence totale d’esprit et d’idéal européens. Oubli, bien sûr, à relever, des réalisations d’infrastructures grâce aux fonds européens et du fait que le tourisme des européens constitue la ressource fondamentale de l’économie corse, son exportation sur place peut-on dire. Cette conception de l’Europe correspond aussi à celle de la plupart des dirigeants locaux. Bref, un échec du message européen pour « Opinion way ». Ces résultats de sondages semblent ignorer un autre aspect des choses. Une vision d’Europe Eldorado, corne d’abondance ou mirage. Vision exploitée ou évoquée par les contestataires de l’Etat. Ils considéraient ainsi que la manne monétisée attendue de la zone euro et d’une Europe fédérale imaginaire les dispensait de chiffrer leurs promesses électorales utopiques et d’aligner les recettes et dépenses de leur budget pour cet avenir radieux de l’Île. Mais, tout compte fait, cela n’a sans doute pas modifié tellement les résultats du sondage d’Opinion Way. Bref, échec de l’Europe en Corse. Cet échec est parallèle, quoique moins dangereux, à celui qui menace dans l’immédiat la zone euro et sa monnaie unique. Le danger est celui de la grande dépression économique et sociale des années 1930. Il a pris alors le nom de « déflation » chute de la demande globale liée à une baisse générale des prix, et aussi le nom d’« inflation », chute de la monnaie. La déflation a traumatisé les Américains. L’hyper-inflation a horrifié les Allemands. Ce rappel historique se répercute encore aujourd’hui dans le nœud gordien qui entrave l’Europe. En effet, à grands coups de serpe, on peut considérer que l’élément régulateur de la monnaie est celui des Banques centrales (Réserve fédérale aux Etats-Unis, Banque de France naguère etc….). Les Banques des Etats, malgré leur indépendance affichée, étaient de fait soumises à l’autorité de leurs Etats, donc aux politiques. Mais, là est le nœud, la Banque centrale européenne a, selon les traités, interdiction de renflouer les déficits publics et de prêter aux Etats en achetant leurs obligations. L’OCDE annonce que la France va entrer en récession. Nous avons aujourd’hui le cumul de la récession et du chômage. Les Etats européens n’ont plus de monnaie en caisse et ils n’ont pas, comme les Etats-Unis, la possibilité de faire intervenir à leur aide la BCE, leur banque fédérale. Celle-ci va-t-elle demeurer inerte ? Dans ce cas l’euro ne survivra pas. Une catastrophe menace l’Europe et une crise systémique l’économie mondiale. Alexandre Le Grand ne perdit pas de temps et trancha de son épée le nœud gordien. Les Européens n’ont pas manifesté le même scrupule de la lettre des traités pour la violer en s’endettant. Vont-ils hésiter cette fois, à passer outre au juridisme formel devant un tel enjeu de cataclysme mondial ? Le nom des ces dirigeants resterait cloué au pilori de l’histoire des peuples. Et ceci même si la crise conduit à exacerber les égoïsmes nationaux. Gare à eux s’ils allaient laisser la Déroute géante, à la face effarée, crier « Sauve qui peut » ! Caveant consules*.

Marc’Aureliu Pietrasanta

*En latin : Que les consuls prennent garde.

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