Julien Rocca, Bonifacien, fils d’administrateur en Indochine, enseignant de français dans le monde entier, a puisé dans son expérience et ses voyages pour produire un roman où se mêlent sentiments forts et contradictoires, dualité naturelle de l’homme, plongeant son personnage, Éric Gavrières dans des situations périlleuses et toujours pleines de rebondissements.
Bourgeois et populaire
Le personnage, Éric Gavrières, est un jeune homme moderne, tout juste âgé de vingt ans, qui aurait tout pour être heureux : l’argent, l’affection de ses parents, la réussite dans ses études et même l’amour. Et pourtant… Son caractère complexe et sensible se traduit par des sensations de malaise fugace, d’angoisse qui l’étreint car « il sentait tenace en lui-même et parfois affolante, cette peur d’être bientôt obligé d’assumer son rôle social dans le monde ». Un vide qu’une rencontre avec Gisèle, une jeune fille d’une autre condition, va remplir. Il va découvrir son histoire, son univers, les lourds secrets de sa vie, avec son lot de violences, incarnées notamment par Louis, l’ami alcoolique de la mère de Gisèle, au comportement plus qu’ambivalent et tranchant. Les univers bourgeois et populaires se croisent, s’interpellent, se percutent, se mêlent, comme les deux amis d’Éric, Marcel, le snob fils à papa, étudiant en médecine et très cavalier envers les femmes, et Georges, le technicien, issu d’une famille d’ouvriers, engagé en politique.
Périple méditerranéen
En pointillés se dessinent les rapports entre Éric et ses parents : une mère invasive et ultra gestionnaire, qu’il ne veut pas décevoir, et un père très occupé par ses activités laborieuses, qu’il admire, et qu’il accompagne dans un voyage d’affaires dans le Sud, Nice, Marseille, Rome, Athènes, Madrid, comme un voyage initiatique, qui l’éloignera de Gisèle un temps, physiquement, mais pas dans ses pensées, malgré Patriciou, une jeune femme bien sous tous rapports et très éprise, et des rencontres qui auraient pu détourner Éric de son obsession pour Gisèle. Un chassé-croisé de relations et de rencontres, qui révèlent toute la complexité des rapports humains, dans un style dense et sans chichis.
Myriam Mattei
Julien Rocca, Le Cap, éditions Bénévent, 342 pages, 21,50 €