C D UNE  PASSION POUR L’HARMONICA Un mélomane averti n’est pas une personne qui, la tête entre les mains, écoute régulièrement une Å“uvre classique, vouant uniquement son goà »t de la musique à celle que les milieux qui passent pour distingués, appellent «  la grande  ». Parti pris de cuistres. Un mélomane averti trouve à apprécier de la musique partout, dans tous les genres, où elle est bonne. Dans la chanson par exemple, où elle s’est trouvée honorée dans cette chronique chaque fois qu’elle le méritait. Et ce jour, on peut penser à Antoine Mannu, joueur fort habile d’harmonica, proposant un agréable CD qui contient quinze pièces interprétées sur son instrument favori. (1). L’harmonica : instrument dérisoire ? Non. De nombreux bluesmen l’ont marqué de leur habileté à en user. Pensons aux deux Sonny Bey Williamson, à Big Walter Horton, à Little Walter, etc… L’harmonica constitue avec l’accordéon et l’harmonium l‘une des applications occidentales du dispositif instrumental inventé en Orient. Aussi sommes nous bien aise de présenter l‘album qu‘Antoine Mannu  a gravé pour notre plaisir. Plaisir simple mais vrai. Laissons parler Mannu : «  Cette passion pour l‘harmonica,  je la dois à mon père Jacques. Guitariste de talent, il a fait partie de cette génération qui a connu la guerre, et les camps de prisonniers…A son retour, il renoua avec les sérénades nocturnes dans les ruelles d‘Ajaccio et les bals populaires. J‘ai eu la chance de grandir dans cette ambiance où les quartiers du «  Borgu  »Â et de «  San Carlu  »Â regorgeaient de vie et de bonne humeur  ». Si l‘usage de toute musique renvoie à une formation théorique, rien ne remplace en supplément l‘apport du «  terrain  ». «  Dès l‘âge  de neuf ans, poursuit Antoine, caché sous la table avec mon petit harmonica, j‘essayais de suivre, heureux, les mélodies de mon père  ». Les pièces ici exécutées se partagent entre la chanson corse et la chanson que nos aînés entendaient et reproduisaient à l‘envi dans les années d‘après guerre. Vieilleries que ces airs ? Mais non. Qui donc jetterait aux orties ces réussites populaires que furent des chansons comme «  Mon amant de Saint Jean  », «  Companero  », «  Besame mucho  »Â ? Ces mélodies ont gardé leur caractère et leur charme. Parmi les airs corses on trouvera «  Ultima strinta  », «  Valincu  », «  Les fiancés de Sartène  ». La technique d‘Antoine Mannu est convaincante et son sens de la mélodie affirmé. Accueillez cette musique sans affectation ni étalage de suffisance.  Vincent Azamberti (1) Ricordu CDR280 Â