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A la recherche de Mémoire(s) de Corse

jeudi 9 août 2012, par Journal de la Corse

Aller à la découverte de notre identité, de notre mémoire collective, c’est l’objectif de l’ouvrage collectif « Mémoire(s) de Corse » chez Colonna Editions. Les divers témoins, pour en citer quelques uns, Jérôme Camilly, Toni Casalonga, Marie-Josée Cesarini Dasso, Robert Colonna d’Istria, Antoine-Marie Graziani, Dominique Memmi, Jean-Marc Olivesi, Sampiero Sanguinetti, Constant Sbraggia, viennent d’horizons différents et livrent au lecteur leur vision de l’île, leur expérience. « D’un pluriel de ces mémoires d’intellectuels, de romanciers, de poètes, de représentants du monde culturel, médiatique, universitaire, hommes et femmes de tous âges, on passe naturellement au singulier de l’île ».

Sortir des sentiers battus pour tordre le cou aux clichés. Raconter « sa Corse intime », un souvenir marquant ou insolite, livrer des impressions, des goûts et des saveurs, tel est le fil conducteur de ce recueil de récits. Toutes les contributions participent ainsi à la construction de la mémoire collective. Jacques Orsoni, citant Saint Augustin dans un texte savoureux, nous livre la clé : « l’esprit, c’est la mémoire ». Cet archipel de textes témoigne de la vitalité de la création littéraire contemporaine dans une Corse vraie, fidèle à ses racines mais résolument ouverte vers l’extérieur. Nous avons rencontré Jean-Jacques Colonna d’Istria, éditeur de cet ouvrage qui s’est chargé de recueillir avec Jean-Pierre Castellani les diverses contributions. Il nous explique la démarche originale de ce recueil empreint de nostalgie mais aussi éminemment contemporain.

Quel est le principe de « Mémoire(s) de Corse » ?

Sous le titre de Mémoire(s) de Corse chaque co-auteur évoque librement le souvenir personnel d’un événement important tiré de sa propre expérience, dont il a été témoin ou acteur, dans le territoire de la Corse. D’ordre historique, politique, social ou tout simplement familial, la réunion de ces différents témoignages donne à voir une image variée, complémentaire, inattendue, voire surprenante mais toujours originale, de la Corse.

Comment s’est opéré le choix des participants ?

D’abord, quelques rédacteurs de "Une enfance corse" qui avaient exprimé le désir de raconter autre chose qu’un souvenir d’enfance justement. Puis, nous nous sommes adressés à des personnes qui ont l’habitude de s’exprimer par l’écrit, sans être forcément des écrivains. Nous attachions beaucoup d’importance à une certaine qualité de l’écriture, voire à une qualité certaine. Hors cela, pas de critère à proprement parler. On s’est arrêté sur une première liste de trente personnes, pour voir les réactions, et... les trente ont immédiatement répondu ! Si cela n’avait pas été le cas, nous avions une autre liste qui prolongeait tout naturellement les trente premiers noms, voire encore une autre, sans préférence... Ces « trente premiers-là » ne sont pas les « élus » au sens biblique... ils ont répondu et... bien répondu ! D’autres auraient pu écrire aussi.

Est-on dans une démarche historique, ethnologique ?

Je dirais, moi, « historico-sociologique ». Le co-directeur de cet ouvrage, Jean-Pierre Castellani aurait parlé, je pense, plus franchement, lui, d’une démarche historique... la petite histoire fait la grande ! Je ne suis pas loin de penser ainsi... Les romans de Roland Dorgelès « Les Croix de bois », ou d’Henri Barbusse : « Le feu », ne nous donnent-ils pas une meilleure et une plus juste idée de la guerre de 1914-18 que les manuels, les livres d’Histoire ou encore les récits précis, au jour le jour ? Et puis sociologique eu égard à la diversité des rédacteurs : écrivains, journalistes, professeurs d’université ou du secondaire, éducateurs, historiens, poètes, romanciers, avocats, artistes, éditeur, homme politique... Voilà un aréopage capable de donner une certaine image de la Corse, la sienne en tous cas, celle que chacun d’entre nous vit au jour le jour, celle qu’ils fabriquent aussi chacun jour après jour, dans le domaine qui est le leur ?

L’élaboration d’une mémoire collective semble être au centre de cet ouvrage, comme une réflexion sur l’identité ?

Il me semble en effet, même si tous les thèmes ne sont pas abordés, que l’on touche ici à l’identité, la « vraie » oserais-je dire, car ce livre n’est pas un recueil de fictions, de rêves, de délires pourquoi pas, de théories fumeuses réalistes ou utopiques, il n’est pas non plus une démonstration ni une revendication, et ce n’est pas non plus, pour finir, un manifeste ! Il n’est que le témoignage vivant- en chair et en os - de la vie en Corse depuis un demi-siècle, même si, encore une fois, il n’est ni exhaustif ni représentatif de telle ou telle catégorie de ses habitants : mémoire collective, oui ; réflexion sur l’identité, oui en tant que corollaire...

Y aura-t-il une suite à ces « Mémoire(s) ?

En ce qui me concerne, non. Le succès « commercial » du livre aurait pu nous inciter à faire fructifier la recette... Il ne faut pas que le principe de l’ »ouvrage collectif » soit galvaudé. C’est un genre très risqué. Ni l’Histoire d’un pays, ni la sociologie d’une population, et encore moins la vie ne souffrent des avatars d’un genre fut-il séduisant. Certes j’entends déjà, ici ou là, le souhait de voir sur le marché des ouvrages « collectifs » qui pour « immortaliser » un village, qui sur un thème « vendeur »... Non. Un peu d’imagination nous incitera - et c’est mon souhait - à réaliser d’autres projets avec Jean-Pierre Castellani. J’en suis persuadé.

Lisa D’Orazio

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