Un réalisateur a eu l’idée de mettre en scène la vie de la sultane du Maroc, Davia, contemporaine de Napoléon. C’est une histoire romanesque avec un happy end digne des « Mille et une nuits ». Intrigue amoureuse. Péripéties dramatiques. Pirates et suspense. Exotisme. Renversements de situations. Les ors des palais royaux succédant aux bas-fonds de l’esclavage. Assassinats. Complots. Diplomatie. Tout y est. Thriller et conte de fées réunis. En arrière-fond le temps historique et ses parcours. C’est l’histoire de Davia Franceschini de Corbara. Une histoire vraie d’il y a plus de deux siècles. L’histoire parallèle de l’impératrice du Maroc et de l’empereur des Français. Vers 1760 Jacques Franceschini, sa femme et la toute petite Marthe furent enlevés au cours d’un raid barbaresque et vendus à Alger, alors place d’un grand marchés aux esclaves. Franceschini au bout d’un certain temps fut autorisé à retourner en Corse avec sa famille. Simple bénévolence du maître dont il avait su gagner les bonnes grâces ? Promesse de rançon ? On ne sait. Mais le sort devait s’acharner sur ces gens. Ils furent de nouveau capturés par des corsaires marocains qui cette fois les ramenèrent dans leur pays. Ils furent alors achetés par l’empereur Sidi Mohamed descendant de Fatima, la fille du prophète. Celui-ci, au bout de quelque temps, autorisa les époux Franceschini à rejoindre la Corse. Il faut croire que le chef de famille possédait l’art de plaire et de convaincre. Mais l’empereur conserva à sa cour la jeune Marthe. Entre temps, le sultan Moulay-Soliman succéda à son frère et monta sur le trône. Un beau jour, des émissaires vinrent annoncer aux Franceschini que Marthe, devenue Davia, était la première sultane et désirait que ses parents viennent la rejoindre. Quelle preuve avons-nous que cette histoire n’est pas une légende ? C’est ici qu’intervient l’empereur des Français en rapport avec l’impératrice du Maroc. Napoléon et Davia entrèrent en relation. La preuve écrite est fournie par le journal du général-baron Gourgaud qui notait au jour le jour ses conversations avec l’illustre proscrit de Sainte-Hélène. Voici ce qu’on y lit à la date du 15 janvier 1817 : « La sultane favorite de l’empereur du Maroc était corse. Son frère nommé Franceschini vint à Paris proposer au ministre des relations extérieures de se rendre au Maroc et d’intriguer en faveur des Français. Tout d’abord, je crus à une escroquerie, mais le ministre reconnut la vérité et je donnais 30 000 francs pour cela. Cette négociation a réussi. Le chérif (descendant du prophète) a toujours protégé les Français, il nous a rendu service. Je lui ai envoyé en sept ans pour 500 000 francs de cadeaux. » La sultane ne fut pas inquiétée lorsque le sultan Moulay-Soliman fut tué par le poison à Rabat en 1822. Davia lui survécut encore dix ans. Sa vie extraordinaire qui fut condensée dans les colonnes de « L’Indépendance belge » en janvier 1906. L’auteur signait son article : « le chevalier de Th….arrière petit cousin par alliance de l’empereur du Maroc. » Ainsi l’avait voulu le sort. Il avait réuni un certain temps deux destinées exceptionnelles. Le Corse Napoléon parlait encore à Sainte-Hélène de la Corse Davia. L’histoire et le conte se sont confondus dans la légende. Aux temps récents la Corse devint la Sainte-Hélène d’un descendant de Davia, le roi Mohamed V. Pour peu de mois heureusement. L’éditorialiste du JDC eut l’occasion de le rencontrer et de l’interviewer à l’hôtel du Mouflon d’Or à Zonza où il avait été assigné à résidence. Ainsi va l’histoire. Aujourd’hui le passant de Corbara peut y voir une des plus belles maisons, celle où naquit Marthe Franceschini. Elle est encore appelée « A casa di i Turchi ».
Marc’Aureliu Pietrasanta