Depuis l’adolescence il monte au créneau de l’Autre Corse. Celle qui fait voler en éclat les compromis et les compromissions, les conformismes et les idées reçues. Celle qui tire de son lointain passé les raisons de son avenir.
Une Corse « indomptable et rebelle » qui rêve d’indépendance afin de mieux mettre en valeur sa terre et son peuple. Jean-Guy Talamoni a fait de cette Corse-là un flambeau qu’il tente de passer à chaque Corse pour qu’il éclaire les jours à venir d’une lumière spécifique. Et qu’il sorte définitivement de l’ombre la « lingua materna » si longtemps occultée. Après son « Dictionnaire commenté des expressions corses » il a récemment produit un volume consacré aux proverbes, ces formules figées, en général métaphoriques, exprimant une vérité d’expérience, un conseil et connues de tout un pays. Le « Livre des proverbes » était le livre de l’Ancien Testament attribué à Salomon. Celui des proverbes corses sera-t-il, un jour attribué à Talamoni ? Peut-être, bien que d’autres que lui se soient essayés au genre dont le plus proche est sans doute Peppu Flori, un corsiste qui se distingua dans les années de l’après-guerre et jusqu’à l’aube du « régionalisme ». Comment Jean-Guy Talamoni est-il arrivé à « enfiler » les proverbes dans sa « cullana » identitaire ? Parce que probablement il en avait entendu quelques uns dans son village de Pietra di Verde, A « Petra » comme on dit là-bas, parce que, aussi, les proverbes, les dictons et autre maximes sont les véritables marques de la culture populaire sans laquelle, évidemment, il serait difficile de distinguer un peuple d’un autre. Il est intéressant de se plonger dans ce bain où clapotent tant de termes familiers que l’auteur, pour aider à leur compréhension a traduit en français, et pas toujours avec bonheur, tant la différence est grande même si, quelquefois, ils peuvent avoir un air de famille, ne serait-ce que par une étymologie commune. Ces proverbes n’ont pas besoin d’être traduits en italien tant leur similitude est impressionnante (« A cavallu ghjestimatu li luce u pelu » - a cavallo bestemmiato gli luce il pelo - « Tutti i fiumi si lampanu in mare » - tutti i fiumi vanno al mare – « A chi va pianu va sanu e va luntanu » - chi va piano va sano e va lontano-) mais que souvent l’on feint d’ignorer au nom d’une spécificité linguistique pour le moins surprenante. A la 4e de couverture de cet ouvrage, préfacé par Jean-François Bernardini et illustré par Eric Simoni, il est dit que les proverbes bénéficient en Corse d’une grande autorité et qu’ils viennent tout de suite après l’Evangile (« I pruverbi venenu dopu à u Vangelu ») Reste à savoir combien, aujourd’hui, en tiennent compte. A part ceux qui veulent, absolument « passà per pruverbiu » !
MYRIAM MATTEI
Jean-Guy Talamoni. Dictionnaire commenté des proverbes corses. DCL edit. 230p. 18 euros.