Coofficialité
Nous ne demandons pas la lune !
Le temps est venu que notre pays permette enfin à ses langues régionales de trouver leur place dans la société.
La France impose la généralisation de la pratique de la langue française. Cette généralisation n’est ni menacée, ni contestée. Le français est la langue de tous les Français. Doitil pour autant être la langue unique ? Les langues régionales sont-elles condamnées à la disparition ou à la marginalisation ? Je pense que le temps est venu que notre pays permette enfin à ses langues régionales de trouver leur place dans la société. Ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires y contribuerait fortement. Cette Charte a d’ailleurs été signée par la France le 7 mai 1999. Mais, peu de temps après, le Conseil Constitutionnel, interrogé par le Président de la République Jacques Chirac, a considéré que la Charte portait atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français. Ce qui a motivé sa non ratification. A mon sens, si l’unité nationale exige l’unicité linguistique, cela revient à considérer que l’identité française relève moins d’une francité de l’ouverture et de la diversité, que d’une francité définie par une seule langue, une seule histoire et une seule culture. Ce qui signifie considérer le peuple de France comme une ethnie !
Or l’éthique républicaine est à l’opposé de cette conception. La France de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen devrait être celle du vouloir-vivre ensemble d’hommes et de femmes ayant des origines ethniques, des langues maternelles et des identités culturelles différentes. On en est malheureusement venu à l’oublier. La vision dite « républicaine » tend encore aujourd’hui à privilégier une conception de la France ressemblant fort à celle que propageaient et coups de trique, les « hussards noirs » de l’école de la Troisième République.
Un vote exemplaire
Les choses sont-elles à jamais figées ? Le récent vote de l’Assemblée de Corse en faveur de la co-officialité a rappelé et confirmé que rien n’est jamais définitivement gravé dans le marbre. Même s’il ne peut, à ce jour, suffire à briser la ligne de résistance que représente l’alinéa 1 de l’article 2 de la Constitution : « La langue de la République est le français », ce vote représente une formidable avancée. Il encourage à rompre avec un républicanisme rejetant la diversité linguistique. Il invite la France à se joindre au concert des Etats qui respectent et même valorisent la diversité de leur patrimoine linguistique. Il représente un espoir et un exemple pour tous ceux qui en Bretagne, en Alsace, en Flandres, au Pays Basque, en Occitanie se battent pour que leur langue ne meure pas. Ce vote ne demande pas la Lune mais rappelle à l’Etat que la véritable éthique républicaine impose une mise ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, l’engagement de modifications constitutionnelles conduisant à éviter le rejet de cette ratification par le Conseil Constitutionnel, le vote d’une loi garantissant une véritable existence sociale des langues régionales. Enfin ce vote ne peut que renforcer les régions riches d’un parler local, dans la volonté de se doter de Chartes garantissant la mise en oeuvre d’une politique linguistique.
• Alexandra Sereni