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Les invités : Frédéric Bertocchini et Maria Lanfranchi, responsables du Festival BD d’Ajaccio

jeudi 6 décembre 2012, par Journal de la Corse

Voilà dix ans que Frédéric Bertocchini et Maria Lanfranchi, chefs de file de l’association « cases et bulles » qui a donné naissance au festival BD, se démènent. Dix de travail et de passion au service du 9e art en Corse. Ils nous en livrent leurs impressions à l’occasion de la dixième édition qui se déroule, ce week-end, au palais des Congrès d’Ajaccio.

Le Festival BD fête, ce week-end, ses dix ans. À quoi cette longévité est-elle due ?

Maria Lanfranchi : La BD est un art populaire par excellence. Il y a des centaines de festivals BD dans toute la France. Quelquefois nous en trouvons 5, 10, 12 sur un seul département, voire deux ou trois dans une même ville. Preuve que le 9e art a encore de beaux jours devant lui. C’est d’ailleurs l’un des rares secteurs de l’édition qui résiste à la crise.

Frédéric Bertocchini : Pendant dix ans, nous nous sommes attachés à travailler autour des "grands" personnages de la BD. Les plus grandes stars sont venues à Ajaccio : Tintin avec la Fondation Hergé, Titeuf et la bande à Tchô, Tibet et Ric Hochet, les Trolls de Troy, Spirou, Boule et Bill, Buck Danny, Rosinski et Thorgal, et j’en passe... Dans le sillage de ces poids lourds, de ces mastodontes, nous y avons ajouté de jeunes auteurs en devenir, les dessinateurs et scénaristes de chez nous, et la mayonnaise a pris.

Comment cette aventure est-elle née ?

Frédéric : Nous avons créé une association en 2001. J’en étais dans un premier temps le président. Avec Maria, mais aussi des représentants de la chambre de Commerce de l’époque, du Conseil Général de la Corse-du-Sud, nous sommes partis au Luxembourg, puis à Bruxelles, afin de visiter des expositions sur Tintin proposées par Moulinsard et la Fondation Hergé.

Maria : En effet. Nous avons même rencontré Nick Rodwell, le président de la Fondation, ainsi que l’archiviste de Tintin, Dominique Maricq. Là, nous avons réussi à "arracher" une expo à la Fondation. En 2002, Tintin a voyagé à Tokyo, Paris (musée de la Marine), New York et... Ajaccio. A partir de là, la machine était lancée. Tout cela nous a donné beaucoup de crédibilité et surtout une belle visibilité dans le milieu de la BD, et nous avons pu attirer, les années suivantes, de grands auteurs.

Quelle part, le monde de la BD occupe-t-il, selon-vous, en Corse ?

Frédéric : Une part assez petite en fin de compte. Nous avons deux festivals (Bastia et Ajaccio), c’est déjà bien, même si la Corse est sans doute la région qui compte le moins de manifestations autour du 9e art à l’échelle nationale.

Maria : Toutefois, plusieurs auteurs ont franchi le pas de la publication. Certains ont même commencé une carrière sur le continent, voire même à l’étranger, comme…Frédéric !

Quels sont les thèmes abordés cette année ?

Maria : Pour nos dix ans, tout tournera autour du chiffre dix avec, par exemple dix expositions originales. Il n’y aura pas de diffusions de films, nous avons préféré mettre plus l’accent sur les expositions, les auteurs, les ateliers et les animations. Il y aura des spectacles, des conteurs, des parades. Nous voulions un spectacle plus vivant.

Comment expliquez-vous le nombre de scénaristes et dessinateurs insulaires ?

Frédéric : A un moment donné, il faut se dire que nous ne sommes pas plus mauvais que les autres. Les Corses excellent de bien des domaines artistiques. Nous avons de grands musiciens, de bons comédiens, des peintres de grande renommée, et je ne parle même pas des voix sublimes... Le Goncourt de Jérôme Ferrari témoigne d’une certaine qualité. Alors pourquoi pas de bons auteurs BD ? Le tout, c’est d’avoir cette culture BD, et de casser cette image négative qui a été forgée il fut un temps. "La BD, c’est pas sérieux" ou encore "c’est la littérature de ceux qui ne savent pas écrire et l’art de ceux qui ne savent pas peindre"... Ce sont des discours d’un autre temps. D’ailleurs, certains esprits chagrins sont toujours noyés dans un certain conservatisme à ce niveau-là. Je sais, par exemple, que dans certaines sphères dites intellectuelles (pseudo-intellectuelles plutôt), des gens dont la Culture est un métier paraît-il, on considère que la BD n’est pas un art. C’est triste de penser ainsi, en 2012...

Frédéric, vous avez laissé la présidence de « Cases et bulles » à Maria. Pourquoi ce choix ?

Frédéric : L’organisation du festival est quelque chose de très lourd d’un point de vue administratif. La recherche du financement, la gestion de l’association, voire même des égos est souvent compliquée. En ce qui me concerne, le temps commençait vraiment à me manquer. Je m’éclate plus dans l’aspect purement artistique, la réalisation de projets et l’écriture de scénarios. Donc j’ai laissé la place à Maria Lanfranchi.

Maria : Frédéric demeure toutefois président d’Honneur. Pour ma part, je vais continuer le travail qui a été fait jusqu’ici, tout en demeurant ambitieuse pour l’association et le festival. Nous allons continuer à le faire grandir. D’ailleurs, de nombreuses personnes, très compétentes, sont venues nous rejoindre pour nous donner un coup de main.

Des nouveautés au niveau du programme ?

Maria : Oui, nous aurons plus d’expositions, des spectacles vivants. Nous voulons que ce soit une vraie fête, ouverte vers les autres. Nous avons toujours voulu éviter l’élitisme et son coté pompeux, même si certaines expositions et certains auteurs sont très pointus.

Un scénariste ou un dessinateur peut-il, aujourd’hui, vivre, de cette activité ?

Frédéric : Bien entendu. La BD est un métier pour des centaines de personnes en France. Ce sont des artistes, ou des artisans. Voire les deux. Le métier se découpe en plusieurs secteurs : scénariste, story-boader, coloriste, voire lettreur. Maintenant, tout dépend de ce que l’artiste produit et vend. Forcément, plus il fait d’albums, et plus il en vend, et plus il vivra bien de son art. C’est pareil dans le monde du spectacle ou de la musique. On trouve des personnes qui ont à peine de quoi vivre leur vie et des stars qui perçoivent des millions d’euros. C’est à l’image de la société.

Quelle est la part de la langue corse dans la BD insulaire ? Pourrait-elle, à terme, s’accroître ?

Frédéric : Cette part est très mince pour l’instant. Nous avons eu de grands classiques traduits en langue corse, comme "I Ghjuvelli di a Castafiore" d’Hergé, "Astérix in Corsica", "L’Inchiesta corsa", etc... La seule série, intégralement traduite en Corse, est à ma connaissance la trilogie sur Pasquale Paoli. Il en sera de même pour Sampiero Corso, qui paraîtra bientôt en deux tomes. Toutefois, si il y a peu de BD en langue corse, au sens classique, nous trouvons quelques dessinateurs de presse qui utilisent notre langue. Je pense bien entendu à Batti.

Les grands noms de cette dixième édition ?

Maria : Cette année, nous avons, comme tous les ans, quelques "très bons" qui viennent pour la première fois à notre festival. Je pense, notamment à Aymond, Mitton ou Marvano. D’autres grands noms seront encore là, plus connus du public ajaccien puisque ce sont nos amis, les habitués, comme le grand Al Coutelis, Berlion, Taduc, Arnoux ou De Groot. En tout, ils seront une quarantaine, comme tous les ans.

Un souhait ?

Maria et Frédéric (ensemble) : Que la fête soit belle !

Interview réalisée par Philippe Peraut

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