Une bouffée d’air frais et d’énergie. Des brassées de couleurs et d’espoir… Un vrai bonheur que ce « Cirque plouf » par la compagnie « Acrobatica machina » de Lauriane Goyet.
Le point de départ de l’histoire n’a pourtant rien de gai ni de réconfortant. Pensez donc : une usine qui ferme et des salariés à la porte. Sur le sable. Avec pour avenir le néant et pour présent le rien, sauf des tracas financiers et des factures à payer. Bref, le « no future » et ses perspectives zéro… Puisqu’ils n’ont plus rien à perdre pourquoi ne pas miser sur le risque et se lancer dans une aventure complètement inédite sortant totalement de l’ordinaire ! Leur va-tout ? Le cirque. Ils n’en ont jamais fait ? Pas d’importance. Ils vont s’y mettre. Belle issue à leurs ennuis qui leur donne l’occasion de la nouveauté et de se dépasser. La réussite est loin d’être assurée mais ils ont le sens de l’effort. Peu à peu ils vont peaufiner leurs numéros, inventer d’heureuses astuces, développer un art du bricolage qui va les amener à des trouvailles ingénieuses. Pour la scène ils deviennent la famille Gomez, qui métamorphose sa batterie de cuisine en instruments de musique, ses vieilles nippes en costumes aux teintes lumineuses et acidulées, les caddies du supermarché en agrès ou en trampolines. Résultat du délire ? Des prestations offertes au public vibrantes de chaleur humaine et d’enthousiasme même – et surtout – si elles ont parfois un petit côté si approximatifs très touchants et émouvants. Comédienne qu’on a pu apprécier avec « Le Thé à Trois » ou « L’Aria » Lauriane Goyet a créé sa compagnie « Acrobatica machina » en septembre 2011 par envie de passer à la mise en scène et par goût de l’écriture. L’année suivante elle met en chantier « Le cirque plouf » qu’elle coproduit et monte avec la compagnie « Feydra Tonnerre » de Delphine Ciavaldini, qui comme elle est localisée en Balagne. Dans les différents emplois de… chômeurs reconvertis en artistes de cirque évoluant de l’acrobatie à la musique et à la chanson Virginie Foucher Gupta, Jean Louis Graziani, Pierre Pasqualini, Nicolas Poli et Lauriane Goyet sont étonnants de rigueur et d’entrain, de justesse et de vitalité. Tous épatants… Sans oublier Ceccè Guironnet à la composition musicale, et au fer à souder !
Michèle Acquaviva-Pache ( photos Pierre.A.Ciavaldini)
« On a privilégié les ambiances punk, les atmosphères picturales de Frida Kahlo et du douanier Rousseau. On a joué à plein la métaphore pour ne connoter ni lieu ni temps définis. »
Lauriane Goyet
La référence au cirque est-elle présente à l’origine de votre parcours artistique ?
A l’école primaire, pendant plusieurs mois, des artistes de cirque sont venus dans nos classes. A la fin de l’année nous avons monté un spectacle et sommes partis en tournée… Tout est venu de là. A 17 ans je me suis inscrite dans une école de cirque à Lyon. Mais il me manquait quelque chose. Alors je suis arrivée au théâtre dans des rôles très physiques incluant chant et musique pour aborder ensuite l’écriture de textes. J’ouvre une porte qui m’amène à en ouvrir une autre et ainsi de suite. Voilà le cheminement qui nourrit ce que je suis.
Dans « Le cirque plouf » vous détournez des objets du quotidien pour en tirer des sons, de la musique des éléments de décor. Était-ce d’emblée évident ?
Avec Delphine Ciavaldini à la scénographie et aux costumes on a beaucoup discuté et établi une relation de travail dans l’effervescence et la confiance absolue ! Elle a dessiné et chiné plein d’objets dans des brocantes. Ceccè Guironnet qui a créé la musique et les lumières, a aussi manié le fer à souder pour aménager et transformer cages à oiseaux et chaises à bascule. On a amassé et éliminé sans cesse des choses. On a ajouté et élagué pour atteindre à l’essentiel.
Comment votre travail de metteur en scène a-t-il pris forme ?
Il a débuté en août 2012. Je savais surtout ce que je ne voulais pas : pas de cabotinage, pas de blagues pour des blagues ! Mais tisser une histoire dont les personnages croient en ce qu’ils font et dans laquelle chacun se dévoile au travers d’une chanson. J’avais trois fils conducteurs : jubilation, précision, et pas de précipitation. Il fallait que tous les acteurs jouent collectif, c’était une nécessité si on voulait que les numéros se déroulent sans encombres. Sans chutes.
Les personnages de cette famille Gomez qui forment « Le cirque plouf » ?
Chacun est défini par un rythme particulier. Héraclès, celui qui est à l’initiative du cirque, c’est le chacha. Maravella c’est la rumba. Harpo, la samba. Panos, le mambo. Paula, le tango. Ces rythmes leur permettent se s’extérioriser et en même temps expriment ce qu’ils sont à l’intérieur.
« Le cirque plouf » nait d’un drame humain et social. Pourquoi le rire pour traiter un tel sujet ?
Ce n’est pas un spectacle comique mais ce sont les situations générées qui deviennent drôles. L’argument majeur est de montrer que l’alternative est possible car l’espoir est là, constamment présent. Un espoir en partage avec le public. Dans « Le cirque plouf » il n’y a pas de dérision car les personnages sont très sérieux dans les propositions qu’ils avancent. Certes le rire surgit, mais c’est un rire de joie !
Comment avez-vous pensé la distribution ?
J’ai écrit le spectacle en pensant à l’équipe qui le jouerait. Ce qui ne signifie pas pour autant que j’ai fait du sur-mesure… Nous avions tous déjà travaillé ensemble sauf Virginie Foucher Gupta. Tous ont immédiatement adhéré au projet. Tous ont été prêts à tout donner physiquement et mentalement. Ils m’ont fait confiance comme, moi, je leur ai fait confiance.
De quelle manière avez-vous élaboré le parfum, la tonalité hors du temps et de l’espace de ce spectacle qui s’inspire de l’actualité ?
On a privilégié les ambiances Punk, les atmosphères picturales de Frida Kahlo et du douanier Rousseau. On a joué à plein la métaphore pour ne connoter ni lieu ni temps précis. Les couleurs chaudes sont là pour souligner la vivacité, l’élan animal que donnent également le recours aux vieilles étoffes colorées en coton que ce soit des draps ou des couvertures.
(Propos recueillis par M.A-P)