Accueil du site > Culture > « La Cordillère des Ames » ou le récit des « Survivants » en BD
 

« La Cordillère des Ames » ou le récit des « Survivants » en BD

jeudi 22 novembre 2012, par Journal de la Corse

Le 13 octobre 1972, un avion uruguayen, s’écrase à 3.500 mètres d’altitude, sur un glacier de la Cordillère des Andes, versant chilien. Des jeunes rugbymen de 20 ans sont des miraculés. Mais leur calvaire ne fait que commencer. Abandonnés du monde, ils doivent se résoudre à manger les cadavres de leurs compagnons pour survivre... Ce fait divers a fait le tour du monde, et a été évoqué dans de nombreux livres, au cinéma, à la télévision... Mais jamais en bande dessinée. Choe faite aujourd’hui, avec un scénariste corse, Frédéric Bertocchini, et un dessinateur landais, Thierry Diette, aux éditions du Quinquet. Rencontre avec le scénariste.

Frédéric Bertocchini, pourquoi avez-vous envie de raconter cette histoire en bande dessinée ?

C’est une histoire qui m’avait profondément choqué lorsque j’étais enfant. J’avais vu un film à la télé qui racontait ce fait divers pour le moins impressionnant. Forcément, lorsqu’on est un petit garçon, c’est le cannibalisme qui m’avait le plus heurté. Puis, lorsque je me suis intéressé de plus près à cette histoire, au travers plusieurs lectures de bouquins écrits par des survivants, c’est une autre dimension qui m’a intéressé. Le coté miraculeux, voire mystique de la chose, m’a vraiment étonné. Le cannibalisme est ensuite passé au second plan. Quelle histoire tout de même, des jeunes qui échappent à un crash, puis à une avalanche, et qui vivent pendant 72 jours dans des températures glaciales. Sans oublier l’exploit sportif de Roberto Canessa et de Nando Parado, qui ont marché, sans équipements, pendant des jours dans les montagnes pour chercher des secours.

Il y a vraiment une dimension mystique à cette histoire ?

Oui. Il faut savoir que ces jeunes rugbymen étaient pour la plupart très croyants. Manger de la chair humaine était pour eux quelque chose d’inacceptable, d’un point de vue religieux. Les morts étaient bien conservés, puisque ensevelis dans la neige. Donc forcément, ils étaient « consommables ». Au fil des jours, les cadavres étaient devenus de véritables réservoirs de protéines pour les survivants. L’idée de manger les cadavres est apparue dès le 10e jour, et c’est Roberto Canessa, un jeune étudiant en médecine, qui en a eu l’idée. La dimension mystique est aussi très présente dans le sens où ces jeunes ont côtoyé la mort. Il faut savoir qu’après leur sauvetage, les survivants ont été montrés du doigt par la communauté religieuse uruguayenne. Plus tard, Jean-Paul II les a absous.

Indépendamment du fait que les survivants ont mangé de la chair humaine, comment ont-ils pu survivre pendant 72 jours dans de telles conditions ?

En fait, dès lors qu’ils ont commencé à manger les cadavres, la survie était pratiquement assurée. L’eau était à portée, puisqu’il neigeait pratiquement tous les jours. Les survivants avaient les lèvres et le palais brûlés par la neige, mais au fil du temps, ils se sont adaptés et se sont organisés en tribu. Ils ont réussi à faire fondre la neige et la glace, afin de boire de l’eau. Ils ont mangé les cadavres. Ils ont confectionné des couvertures avec les sièges de l’appareil. Et surtout, ils se sont organisés dans la carcasse du Fairchild. C’est-à-dire qu’ils se sont véritablement « bunkérisés ». La nuit, la température descendait en dessous de 40°. C’était très dur, mais l’organisation de la tribu a permis de sauver 17 personnes.

Pourquoi ont-ils attendu 65 jours avant d’aller chercher de l’aide.

Au début, les survivants étaient persuadés que des secours allaient leur venir en aide rapidement. Ils ont attendu. Deux, trois, puis quatre jours. Puis ils ont commencé à douter. Un jour, un survivant apprend, à la radio, que les recherches ont été abandonnées. C’est à partir de ce moment là que les jeunes ont réalisé qu’il fallait qu’ils s’en sortent par leurs propres moyens. Maintenant, sans équipements, le ventre vide, en pleine hiver et avec des températures glaciales, il était impossible d’aller chercher de l’aide. Les nuits étaient mortelles et surtout, ils ne savaient même pas dans quelle direction aller. Vers l’ouest, le Chili. Ou vers l’est, l’Argentine.

Comment ont-ils réalisé cet exploit après 72 jours ?

Ils ont été patients. Roberto Canessa et Nando Parado ont trouvé une brèche dans la Cordillère des Andes à la fin du mois de décembre 1972. C’était la fin de l’hiver (nous sommes dans l’hémisphère sud). Les jours étaient de plus en plus longs, et les tempêtes moins fréquentes. Fort heureusement, les deux hommes étaient jeunes – 20 ans – et surtout c’était de grands sportifs. Ils ont réussi à marcher pendant des jours dans des conditions extrêmes, afin de trouver une brèche les menant jusqu’aux vertes vallées chiliennes. C’était l’énergie du désespoir qui les portait à ce moment là. « Marche, ou crève »... C’est tout-à-fait ça. Lorsqu’ils sont arrivés dans la vallée, Roberto Canessa était à moitié mort, pris de vomissements et de diarrhée. Il faut dire qu’il ne mangeait plus que de la chair humaine couplée à de la neige.

Graphiquement, cette BD est très américanisée...

C’est un choix. L’histoire se déroule en Amérique-du-Sud, nous voulions un rendu approprié. Thierry Diette, le dessinateur, se trouve dans une veine comics, à l’américaine. Nous avons ensuite demandé à Pascal Nino, le coloriste, d’aller au bout de cette démarche, avec une palette très stylisée.

E. C.

Répondre à cet article