Accueil du site > Culture > Faits d’hier LE NOTAIRE DE GROSSA
 

Faits d’hier LE NOTAIRE DE GROSSA

mercredi 26 janvier 2011, par Journal de la Corse

Pietrasanta

Restauration de l’église romane du 12e siècle, San Giovanni Battista à Grossa. Bonne action de conservation du patrimoine architectural. Elle vient nous remettre en mémoire cet initiateur de la conservation du patrimoine historico-culturel de l’île, né à Grossa à la fin du XIVe siècle (1388).

L’enfant du pays dont il porte le nom, Joanni di la Grossa, mieux connu sous celui de Giovanni della Grossa. Il est aux Corses ce qu’Hérodote fut aux Grecs, le fondateur de leur histoire. Quittant le village natal, il étudia ce qu’on appelle de nos jours les lettres, soit la grammaire et le latin, d’abord à Bonifacio et ensuite à Naples. A partir de 1406 commence sa carrière de notaire-chancelier (aujourd’hui, directeur de cabinet) auprès du gouverneur génois Leonello Lomellino, puis au service de Vincentello d’Istria, du marquis d’Oristano en Sardaigne, de nouveau auprès de Vincentello, puis de Simone da Mare, seigneur du Cap Corse, ensuite des deux gouverneurs Fregosi, enfin de l’Office de Saint Georges. En 1456, Raffè de Leca et vingt deux de ses parents tombés aux mains des Génois furent pendus. Le corps de Raffè fut démembré et les morceaux exposés dans les principales villes de Corse. C’était la fin des seigneurs Cinarchesi. Giovanni della Grossa lui-même tomba en disgrâce à ce moment-là. Après 50 ans d’activité au service de tous les maîtres de la Corse, il revint dans son village natal et commença la rédaction de son Histoire de la Corse, des origines jusqu’en 1464, année probable de sa mort. Son œuvre, dés lors, va connaître bien des vicissitudes. Elle sera pillée, phagocytée, triturée, usurpée par deux prédateurs et falsificateurs Anton Pietro Filippini et Marc’Antonio Ceccaldi qui la réduisirent à la dénomination de Chronique pour mieux se faire valoir. Elle sera rendue publique de la sorte par une publication de l’Histoire de Filippini en 1594, un siècle et demi après la rédaction de Giovanni della Grossa, dont aujourd’hui encore il ne reste que des copies. Le contenu sera qualifié de fables par les dits successeurs. Il faudra attendre la traduction française du Chanoine Letteron, pour que soient restitués à l’œuvre du notaire de Grossa son titre d’Histoire et l’intégrité de son texte. Il avait donné des événements de son temps, soit la première moitié du XVe siècle, une relation impartiale et documentée alimentée par les meilleures sources du fait de ses fonctions exercées dans les coulisses du pouvoir. Pour le reste il a recueilli surtout les traditions orales et les rares manuscrits par suite de la prédominance d’une société sans écriture où les témoignages oraux enchevêtrent et dénaturent certes les faits et les chronologies avec l’extension du temps et la transformation des actions et des hommes. Il n’en demeure pas moins que la conscience populaire traduit ainsi ses vérités et sa vision des choses. Le mythe couvre une autre authenticité plus profonde, différente et pourtant la même. Ainsi en est-il du récit du héros créateur de la Corse historique, cet Ugo Colonna, venu d’ailleurs pour chasser les Sarrasins de l’île. C’est de l’Histoire cyclique métamorphosée en épopée des croisades. Celle des deux siècles qui ont précédé l’écriture du livre de Giovanni della Grossa. Ces deux siècles ont vu la révolte des Colonna à Rome contre le Pape, l’invasion et l’assujettissement de la Corse par Gênes, la plus grande puissance maritime de son temps, les dernières croisades contre Saladin. Tout cela transformé par Giovanni della Grossa en cycle de Charlemagne et des luttes contre les Maures. Prenez maintenant une épopée plus proche de nous. Napoléon, l’homme venu d’ailleurs et la France. Sa révolte contre le Pape. Le nouveau Charlemagne luttant contre la Grande Bretagne, la plus grande puissance maritime et ses expéditions vers l’Orient, l’Egypte et la Palestine, puis la Russie. Etonnant non, ce rapprochement épique ?

Marc’Aureliu Pietrasanta

Répondre à cet article