Le premier tome de la série « Les Combattants », intitulé « 10 jours en mai », vient de paraître dans toutes les librairies (éditions Delcourt). Nous sommes en mai 1940. L’Allemagne lance une grande offensive contre la Belgique, la Hollande et la France. Dès les premières heures de l’agression, des milliers d’hommes et de femmes se jettent sur les routes pour fuir les combats et les raids meurtriers. A contresens de cette marée humaine qui ne cesse d’enfler, le lieutenant Beaujour est missionné pour retrouver le Professeur Staelens, un éminent physicien connu mondialement pour ses travaux sur l’uranium... Une bande dessinée signée Hervé Duphot aux dessins, et Laurent Rullier au scénario. Ce dernier, nous livre les dessous de sa série...
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à cette époque de la Seconde Guerre Mondiale ?
Laurent Rullier : Quand j’étais môme, dans les années 60, la Seconde Guerre Mondiale était encore très présente dans les esprits. Surtout du coté de mes grands-parents qui l’avaient vécue. De plus, c’est un des rares conflits qui opposent des « bons » à des « méchants » et est pourtant plein d’ambigüités, surtout si on conserve un angle franco-français. J’ajouterais à cela un certain penchant pour l’esthétique « forties », y compris dans les matériels militaires qui ressemblaient à ceux qui les fabriquaient. Et pour finir, un argument plus intello : je n’ai jamais été vraiment satisfait du traitement qu’ont réservé la BD et le cinéma français à cette période de l’histoire. Je pensais que je pouvais en avoir une vision plus personnelle. Ce qui n’est pas une démarche très modeste, je l’avoue.
Le duo de héros est tout à fait improbable. Pourquoi avoir réuni deux personnages si atypiques ?
L. R. : Je ne les trouve pas atypiques du tout. Au contraire. Ils sont le reflet de leur époque. D’un coté, on a un militaire de carrière, un soldat avec des principes, le sens du devoir. De nos jours, cela peut paraître difficile de rendre ce type d’individu sympathique. C’est le petit défi que je me suis lancé. De l’autre, on a un p’tit mécano de Bagnolet, probablement sympathisant communiste, un peu roublard, curieux du monde, mais intimidé par les femmes qui ne sont pas de son milieu. C’est peut-être justement de coller à leur époque qui les rend atypiques aujourd’hui. Dans ce cas, c’est le syndrome Madmen et c’est une comparaison qui peut me séduire.
Dans « Les Combattants », les personnages féminins sont particulièrement valorisés. C’est inédit dans un récit de guerre. Pourquoi ce parti-pris ?
L. R. : Parce que je voulais absolument faire une place aux femmes. Je ne sais pas trop pourquoi, mais je me suis intéressé à un moment donné à la place des femmes durant la Seconde Guerre Mondiale. Et il y a des choses à dire. Ensuite, et c’est en rédaction au cinéma d’action actuel, je voulais créer des personnages féminins forts, actifs, avec des grosses personnalités, qui ne soient pas ces espèces de « bimbos » sexys et survitaminées qui balancent un coup de pied à un mauvais garçon tout en plaçant une belle entre les deux yeux de son complice, avec bien sûr, une vue plongeante sur sa poitrine.
Hervé Duphot propose au lecteur un dessin classique de l’école ligne claire. Pourquoi ce choix ?
L. R. : Ah ! Grande question ! En fait, c’est moins dans le trait lui-même qu’il faut chercher la filiation ligne claire, que dans la narration limpide de l’école franco-belge « fifties ». Je voulais que cela ressemble à un classique débarrassé des contraintes et des censures des années Tintin et Spirou.
Francescu Maria Antona