Nous voilà désormais édifiés : le crime en Corse est quasiment la conséquence d’un atavisme collectif et criminogène illustré par notre amour des armes.
Le moins que l’on puisse dire est que le candidat/président « ne manque pas d’estomac ». En un saut de puce d’un peu moins une demi-journée, entre Préfecture de Corse et Palais des congrès, il est venu nous rappeler de belles promesses en attente et en prodiguer de nouvelles qu’il réaliserait toutes s’il était réélu. En outre, il nous a fait la morale. Bravo l’artiste, surtout si l’on considère un bilan marqué, sur fond de désengagement de l’Etat, par la hausse du chômage, l’augmentation des inégalités et la toute puissance du crime organisé. Les félicitations du jury sont d’autant plus méritées que le président/candidat a aussi osé renouer avec un genre disparu : l’annonce d’une pluie d’euros.
Des promesses à la pelle
Venons en d’abord aux promesses en attente. Pas de chance, ça commence mal, celle de nous faire disposer du GALSI (gazoduc Algérie-Sardaigne-Italie pouvant desservir la Corse), ne sera pas tenue. En 2010, à Ajaccio, Nicolas Sarkozy avait pourtant affirmé : « Le GALSI, le voilà, il est bien là ! » Certes, il n’avait pas précisé la date du premier coup de pioche mais avait lancé : « Alimenter la Corse en gaz naturel, au lieu de faire livrer des réserves de fuel lourd aux deux centrales, ce serait autant un symbole pour la France qu’un grand progrès pour l’île ». Il avait même dévoilé un budget de l’opération : 7 M€ d’entrée pour peaufiner les études techniques inhérentes au tronçon sous-marin Olbia/Porto-Vecchio et à la fourche terrestre devant alimenter en gaz Bastia et Ajaccio, puis 425 M€ consacrés aux travaux avec pour perspective d’y voir clair en 2015. Le projet GALSI ayant depuis été enterré dans les profondeurs de l’austérité et d’une diplomatie euro méditerranéenne en déconfiture, à la tribune du même Palais des Congrès, le président devenu candidat nous a promis le gaz naturel en 2018 à partir d’une barge ! Et, en attendant, nos petits poumons subiront le fuel lourd. Nous pourrons toutefois nous consoler en faisant l’effort de croire aux promesses nouvelles d’imposer chez nous le fameux Grenelle de l’Environnement.et d’agir contre les transactions spéculatives concernant le foncier. Bien sûr, il lui sera difficile de freiner les ardeurs affairistes de quelques uns de ses plus proches amis locaux mais, c’est promis juré, il essaiera. En outre, autre bonne résolution, il fera tout pour remettre sur les rails quelques autres promesses, en attente celles-là, comme résorption du chômage, le soutien aux productions locales ou identitaires, la revitalisation du rural à partir de l’économie verte et d’une relance de l’activité agricole. Les observateurs n’auront pas manqué aussi de remarquer que le candidat/président a renoué avec une coutume que l’on croyait tombée en désuétude, celle de promettre des millions à la Corse. Eh bien, il a sorti cette coutume du placard et mis sur la table une promesse de 900 M€. En ces temps de crise financière, de misère budgétaire et d’austérité généralisée, il fallait oser. Faut-il y croire ou n’y voir qu’un retour aux vieilles recettes de gouvernants qui considéraient la Corse comme la dernière des colonies dont il convenait d’amadouer les indigènes et d’acheter les chefs coutumiers ? L’avenir le dira. Si, bien entendu, le verdict des urnes est favorable au candidat/président.
Une brillante approche
Mais les grands moments de la visité-éclair du candidat/président auront été ceux où il nous a fait la leçon et la morale. Il a d’abord asséné : « un assassin est un assassin ». Puissante affirmation ne pouvant que nous éclairer… Il a aussi exposé une vision des réalités criminelles insulaires d’une profondeur encore inégalée car sans doute illuminée d’une intuition affective « J’aime la Corse » a-t-il dit, et pouvant être résumée ainsi : mettre d’un coté la revendication politique et de l’autre la revendication financière, c’est n’avoir pas en tête la réalité de ce qu’est le grand banditisme insulaire, à savoir le mélange des genres. Après cette leçon tirée d’une brillante approche ethno/socio/affecto/policière, il nous a assuré que tout serait fait pour mettre fin à ces réalités criminelles, d’autant qu’il était même survenu « des assassinats où les assassins se sont trompés de cible » Mais la plus profonde des pensées restaient à formuler : l’existence d’une population responsables de son triste sort. Cette pensée s’est manifestée sous les formes d’une leçon de morale mettant en exergue et dans la foulée en accusation la présence d’armes dans trop de familles en Corse. De cette situation, le candidat/président à dit qu’elle n’était « pas tolérable » et a ajouté que cela valait autant pour les « armes illégales que pour les « armes légales ». Faisant appel à son immense culture livresque, il a d’ailleurs ajouté : « la violence ne fait pas partie d’une culture, même pour l’amoureux de Mérimée que je suis, qui connait vraiment dans le détail les Mateo Falcone et Colomba ». Nous voilà désormais édifiés : le crime en Corse est quasiment la conséquence d’un atavisme collectif et criminogène illustré par l’amour des armes. D’ailleurs, pour nous convaincre totalement et nous guérir, et ainsi montrer qu’il ne doute pas de la pertinence de sa pensée, le candidat/président a conclu son propos en annonçant « une action systématique » pour réduire la détention d’armes à nos domiciles. Nous voilà prévenus, si Nicolas Sarkozy est réélu, après avoir subi l’état de droit de Jean-Pierre Chevènement, il nous faudra souffrir l’état d’urgence.
Pierre Corsi