Depuis l’IIiade et l’Odyssée, la Méditerranée était le centre du monde et le berceau de la civilisation judéo-grecque. Trait d’union entre trois continents, elle drainait le commerce, l’affect et la culture de dizaines de cultures et d’autant de peuples. Le drame syrien nous hurle que tout cela est bel et bien fini. Plus personne ne veut de ce lieu qui sombre dans la crise et s’effondre de guerres civiles en guerres civiles.
Une fermeture devenue handicap
Jadis le caractère fermé de la Méditerranée jouait en sa faveur. Celui qui contrôlait, le détroit de Gibraltar et le détroit des Dardanelles possédait les clefs d’un commerce fertile, depuis l’extrêmeorient jusqu’aux confins de l’Europe, le Portugal et les ports atlantiques français jouant le rôle de lien avec le monde atlantique. Puis il y eut le canal de Suez, construit par les puissances coloniales afin de garder la main sur le monde du pétrole. À partir du XVIe siècle, le développement du trafic atlantique avec notamment la ligue hanséatique, avait donné un sérieux coup de vieux à la Méditerranée. La perte des colonies, le développement des transports aériens et la montée en puissance de l’Asie en ont fait un espace à la derive, où se succèdent les crises et les guerres civiles. Ce qui était hier un atout, son hétérogénéité, est devenu un facteur de dangers potentiels (terrorisme, guerres, islamisme etc.). La population des 22 pays riverains regroupe 475 millions de personnes de diverses origines religieuses et culturelles, souvent conflictuelles. Pour le monde occidental, le monde méditerranéen est aussi opaque qu’au début du 20e siècle l’était la fameuse "salade macédonienne". Et les États-Unis, pays pragmatique et simpliste, n’ont aucune envie de venir s’embourber dans un espace qui peut être géré par les petits gendarmes locaux (pays arabes alliés, Israël) et l’OTAN (frappes "chirurgicales). C’est ce qui explique la valsehésitation du président Obama, refroidi par le refus de bon nombre de ses alliés fidèles de venir s’embourber au Moyen-Orient.
La bêtise française et la réalité locale
Il a fallu toute la naïveté belliciste de la gauche française (le pompon revenant à Harlem Désir, premier secrétaire du PS pour ses déclarations sur l’esprit de Munich) pour prendre les devants et se retrouver nu, au milieu de la place publique, sans savoir quoi faire. Car enfin la France ne pourra pas jouer les "punisseurs" (et les Verts qui approuvent la stratégie de la "punition". Quelle honte !) dans toute l’Afrique et dans une partie du Moyen-Orient. La real politik, c’est reconnaître qu’aujourd’hui c’est en mer de Chine et sur les océans que grandit la nouvelle dynamique mondiale économique. J’ajoute que l’évolution des "printemps arabes" n’est pas faite pour rassurer le monde frileux de l’économie libérale. On avait promis la démocratie et on retrouve le chaos islamiste, confronté au talon de fer des dictatures militaires. Rien de changé sous les cieux, sinon que l’appui occidental a affaibli les seuls remparts qui tenaient contre la montée de l’islam radical.
L’incendie qui menace
En Syrie, la guerre civile désormais menace l’ensemble de la région et, au premier chef, le Liban voisin mettant (un peu plus) à mal les possibilités de résolution du conflit israélopalestinien. Au Maghreb, les conditions d’une reprise économique diminuent de semaine en semaine. Et voilà que la Turquie s’embrase.
Quelle place pour l’Europe ?
L’Europe joue-t-elle un rôle positif dans cet espace désorganisé ? Au bénéfice du doute, accordons-lui la paix en Europe ou tout moins en son coeur ! Mais l’Europe a été créée par et pour des pays riches. L’Union pour la Méditerranée n’est qu’une coquille vide. Pire ! L’espace Schengen et le protectionnisme agricole divisent la Méditerranée, jouant en faveur des pays membres contre ceux qui ne le sont pas. Qu’on le veuille ou non, dans un système qui est basé sur le profit, chaque acte des dirigeants tend à renforcer la rentabilité des espaces géographiques. L’entrée de pays pauvres dans l’espace européen a permis au patronat des pays riches et aux rentiers de délocaliser "localement". La baisse tendancielle des salaires joue en ce sens. La reprise espagnole, par exemple, a un coût pour les travailleurs : des salaires à 300 euros le mois tout comme en Allemagne ou en Grèce. Le "miracle européen" ne l’est que pour les nantis. Et la rive sud et orientale du Mare nostrum n’appartient pas à ce cercle étroit. La véritable décolonisation n’est pas pour demain. Quitte à ce que nous devions accueillir toute la misère du monde.
GXC