Vendredi dernier, 47134 élèves ont repris le chemin des écoles, collèges et lycées dans toute l’île. Une rentrée sous de bons auspices pour la deuxième académie de France (en termes de résultats). L’occasion, pour le recteur, Michel Barat de livrer son analyse et d’évoquer, d’un point de vue général, la refondation souhaitée par le ministère qui débute cette année.
Comment s’est déroulée la rentrée scolaire 2013 ?
Tout s’est bien passé dans l’ensemble. Je tiens toutefois à exprimer un certain étonnement voire une totale incompréhension à propos de la situation observée dans le premier degré à Porto-Vecchio. Contrairement à certaines informations erronées qui ont circulé dans l’Extrême-Sud, je tiens à souligner que je n’ai procédé à aucune suppression de poste. En revanche, des réajustements ont été opérés eu égard aux évolutions d’effectifs relevées entre la prévision initiale et le constat. Ainsi, deux classes ont effectivement été retirées sur le niveau élémentaire (une à l’école Joseph Pietri et une autre à l’école Marie et Toussaint Marcellesi). Ce, afin de permettre l’ouverture de deux nouvelles classes de maternelle (une à l’école Pifano et l’autre à l’école Funtana Vecchja). Cette décision me semble tout à fait pertinente et légitime dans la mesure où elle a pour effet de ramener les effectifs des maternelles de 30 à 25 élèves par classe. En parallèle, les écoles élémentaires touchées par des fermetures voient leurs effectifs augmenter de 21 à 23 élèves par classe, ce qui ne me paraît en rien scandaleux. Cette décision permet, en outre, de conserver un potentiel de remplacement en nette amélioration par rapport à l’année dernière (+3 postes). Enfin, la filière bilingue n’est pas concernée par les fermetures.
Qu’en est-il de la répartition des effectifs ?
Elle me semble cohérente et adaptée à la spécificité insulaire, notamment en ce qui concerne le rural. Certains considèrent que 23 élèves par classe en milieu quasi-urbain, c’est trop ! Autant, je peux comprendre, sur la question des effectifs dans l’élémentaire, que nous ayons des classes avec très peu d’élèves (8 dans certains cas) qui sont maintenues en milieu rural. Mais si un instituteur n’arrive pas à faire cours avec 23 élèves…Concernant les écoles, la balance de fermeture et d’ouverture s’effectue en fonction des jeux démographiques. Nous n’avons pas de problème particulier, cette année, dans l’île. La Corse a, j’insiste, l’un des meilleurs encadrements de France. La politique de répartition des moyens arrêtée au niveau académique n’a jamais reposé sur une logique comptable. Mon action a toujours été guidée par la défense de la ruralité dans un esprit de justice et d’équité républicaine. Je continuerai évidemment de poursuivre ce chemin avec conviction et détermination.
De par les résultats obtenus depuis quelques années, la Corse est-elle perçue différemment à Paris ?
Depuis deux ou trois ans, les résultats placent l’Académie parmi les meilleures de France. Mais ce regard se situe au niveau de la réussite scolaire. Il y a quelques années, l’académie de Corse était celle qui avait le plus de moyens et les résultats les plus faibles. Aujourd’hui, le travail amorcé porte ses fruits et le ministère a toujours un regard très positif sur la Corse. La preuve ? Nous avons une hausse de moyens ! Pourtant, on ne pèse que 0,4% du budget de l’Education Nationale. Et l’on dit que la Corse manque de moyens. Or, je rappelle que la cour des comptes a considéré que les dotations de la Corse étaient scandaleuses, qu’elles s’effectuaient au détriment des établissements du continent. Le rapport entre le nombre d’élèves et les moyens donnés en Corse est, aux yeux de la cour des comptes, exorbitant. Cela montre bien qu’il y a, de la part du ministère, donc de l’Etat, un rapport bienveillant sur l’île en matière d’éducation nationale, quels qu’aient été les gouvernements en place. On reconnaît, par ailleurs, que la Corse peut servir de modèle au niveau national. Par exemple, les internats d’excellence ont tous été supprimés à l’exception de celui de Corte parce que, justement, il fonctionne bien et donne des résultats. En matière de politique de l’éducation prioritaire, la réussite du collège des Padules, qui figure parmi les meilleurs de Corse, est significative. Ce collège a fait la démonstration qu’une éducation prioritaire bien conduite pouvait réussir. L’état de santé de l’Académie de Corse est très bon.
Deux chantiers semblent, par ailleurs, bien ancrés au sein de l’Académie de Corse, l’accès aux enfants handicapés et l’enseignement de la langue corse. Des priorités ?
On est toujours l’académie qui a intégré en scolarité, dite classique, le plus d’enfants qui souffraient d’un handicap. On est aussi, la deuxième en termes de fonctionnaires, qui intègre les enfants handicapés. Ce n’est certes pas toujours évident. C’est pourquoi, nous avons réglé le problème des AVSI, dont la fonction est pérennisée. En 2014, ils seront tous cédéisés. Concernant la langue corse, la Direction Générale de l’Enseignement Scolaire nous a fait parvenir une circulaire sur le développement des langues et cultures régionales. Le corse est transversal à toutes les disciplines. On a intérêt à démontrer, dans notre structure pédagogique et administrative, qu’il n’y a pas la langue corse et le reste des matières mais, au contraire, qu’elle fait partie d’un ensemble.
Cette rentrée est placée sous le signe de la refondation. Elle ne semble pourtant pas susciter de réel engouement, tant au niveau national que régional. Qu’en pensezvous ?
Le vrai problème, c’est que les gens ne veulent pas bouger. La refondation a été demandée par tout le monde, y compris par les syndicats enseignants. Aujourd’hui, tout le monde est réticent. Ce n’est pas lié à la personne mais à l’institution scolaire. Où qu’elle s’implante, elle fait de la résistance au changement même si elle est persuadée qu’il est bon. Mais nous sommes l’un des derniers pays de l’OCDE au niveau de l’enseignement élémentaire. La moyenne européenne est de 187 heures, on est, actuellement, à 144 et nous arriveront à 181. Les élèves ne vont pas assez à l’école, c’est tout et il ne faut pas chercher ailleurs l’échec scolaire. On ne va pas le diminuer en mettant les enfants dehors de l’école. La refondation implique un fondement et ce fondement c’est l’école élémentaire. Le ministre a, du reste, annoncé des réformes de programme. Actuellement, le programme français est la déclinaison des programmes universitaires jusqu’à l’élémentaire. Or, c’est du bas qu’il faut partir…
Cette refondation va s’étendre au fil du temps. Quels domaines touchera-t-elle ?
Nous avons commencé par l’élémentaire, qui constitue la base mais la refondation va ensuite toucher les collèges et les lycées. L’idée d’un socle de compétences sera maintenue. Cette année, nous créons, dans chaque établissement, un conseil école-collège car ce lien nous semble primordial. Ensuite, il sera question des programmes, que le ministère souhaite plus cohérents et plus efficaces, du retour à une formation des enseignants car l’IUFM est, avant tout, un institut universitaire ou de la carte scolaire.
On se dirige, donc, vers une autre vision du système éducatif ?
On peut dire, d’une certaine manière, que c’est un retour à la vérité de l’école républicaine. Le modèle est bien celui de l’école républicaine, tel qu’il a été créé par les pères fondateurs. Néanmoins, le modèle valable en 1860 ne l’est plus aujourd’hui. Il faut le réécrire avec le même état d’esprit, il débouchera sur autre chose, c’est évident mais c’est une nécessité. Dans toutes les analyses internationales, la France, qui était l’un des meilleurs pays dans son système éducatif est, aujourd’hui, l’un des plus mauvais, c’est une triste réalité. Il faudra être patient pour obtenir des résultats mais cela ne veut pas dire qu’il faut attendre. On doit commencer aujourd’hui et c’est un travail de longue haleine qui ne doit pas être interrompu.
Autre priorité du ministère, la charte de la laïcité qui, elle, a fait l’unanimité au niveau politique.
On a oublié que l’école était laïque par définition, il va donc bien falloir le rappeler ! La charte a, du reste, été approuvée par les prédécesseurs de Vincent Peillon. Cette charte c’est, tout simplement la définition de l’école, laïque, gratuite et obligatoire. L’école ne doit avoir ni point de vue religieux ni point de vue politique. On va établir une morale laïque, ce qui est indispensable pour que des jeunes puissent, dans une école, recevoir un enseignement. Cela passe par le respect de la parole d’autrui, du rapport à autrui, la tolérance, etc.
Interview réalisée par Joseph Albertini