Un ministre à l’écoute des paysans
Le ministre de l’agriculture était attendu de pied ferme en Corse. En 24 heures, enchaînant visites de terrain et réunions, Bruno Le Maire a su apaiser les craintes de la filière et proposer des perspectives d’avenir.
« Les paysans corses ne perdront pas un euro d’aides européennes », a martelé le ministre tout au long de son court séjour insulaire. Depuis plusieurs mois, les syndicats ont multiplié les actions pour dénoncer la révision des critères d’éligibilité aux indemnités compensatoires des handicaps naturels (ICHN). Les éleveurs bovins et caprins plaident pour que Bruxelles reconnaissent la spécificité de l’élevage de montagne et adapte les déclarations de surfaces aux règles communautaires. En effet, en Corse, les troupeaux paissent souvent dans le maquis, zones qui ne sont plus reconnues comme lieu de pâturage. La veille de la venue de Bruno Le Maire, les organisations syndicales s’étaient réunies afin d’affiner leurs revendications. Ainsi, ils ont notamment suggéré au ministre la création d’un plan exceptionnel de mise en valeur de la montagne corse d’un montant de 30 millions d’euros et exigé la reconnaissance par l’Union Européenne de la spécificité de l’agriculture insulaire qui nécessite donc un système d’aide financière adapté. Bruno Le Maire a rassuré les éleveurs : l’Etat garantit les paiements pour 2011. Quant aux années suivantes, jusqu’à la révision de la Politique agricole commune en 2013, le ministre a souhaité un engagement financier de la Collectivité territoriale. « L’Etat ne sera pas le seul à payer, a-t-il prévenu. La CTC doit de l’argent pour les paysans corses ». Et a annoncé le maintien de la dotation de paiement unique (DPU) pour 2011 ainsi qu’un plan de 23 millions d’euros sur trois ans pour valoriser la production et la structuration des filières.
Préserver les terres agricoles
L’autre problématique inhérente à l’activité agricole, le foncier, s’est également invité lors des discussions entre le ministre, les professionnels de la terre et les élus. « Sans terres, il n’y a pas d’agriculture », a asséné Bruno Le Maire. L’indivision, l’urbanisation grandissante, les appétits des promoteurs immobiliers, sont quelques-uns des écueils rencontrés par toute personne qui souhaite s’investir dans une activité agricole. Selon le président de la Chambre d’agriculture de la Corse-du-Sud, Jean-Dominique Musso, seules 20 installations sont comptabilisées chaque année, il en faudrait 50 pour redynamiser les différentes filières. Cette problématique étant nationale, l’Etat s’est dotée l’an dernier d’un outil pour lutter contre la spéculation immobilière. La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche prévoit en effet l’instauration d’un observatoire national de la consommation des terres agricoles ainsi que des commissions départementales se prononçant sur la vente de terrains dévoués à l’agriculture. Et surtout, la mise en place d’une taxe sur tout classement de parcelles agricoles en terrains constructibles. L’argent récolté est investi dans l’installation des jeunes agriculteurs.
Du terrain et des réunions
Arrivé le jeudi 5 mai en fin d’après-midi, le ministre a participé à une réunion avec le président de l’Office de développement agricole et rural de la Corse, Jean-Louis Luciani, des élus notamment des représentants des sept groupes élus à l’Assemblée territoriale, à Bastia. Le lendemain, direction l’exploitation agricole de Jean-Baptiste Cuttoli à Ocana, qui élève sur près de 350 hectares un troupeau de 400 brebis produisant annuellement 45.000 litres de lait. Ensuite, il a visité toujours en compagnie de responsables agricoles et d’élus le clos Capitoro à Cauro avant de rassembler tous ces participants pour une réunion à huis clos. L’après-midi, le ministre a mis le cap sur la Balagne et l’élevage bovin de Joseph-Louis Murati à Feliceto. La visite ministérielle s’est clôturée par une réunion à Aregno en présence des organisations syndicales, des membres de la Chambre d’agriculture de Haute-Corse et d’exploitants. Bruno Le Maire l’a répété à l’envie : aucun exploitant ne sera pénalisé, l’objectif étant de sécuriser les aides européennes à long terme et l’agriculture reste une activité indispensable. « Je crois profondément en l’agriculture insulaire, a-t-il affirmé. Il faut juste l’organiser et la mettre en valeur afin que les agriculteurs locaux puissent vivre de leur travail. La Corse ne doit pas être une réserve touristique ». A l’issue du séjour de Bruno Le Maire, les agriculteurs oscillaient entre satisfaction et scepticisme. Un contentement lié à l’écoute attentive d’un ministre qui semble avoir cerné les enjeux du développement de l’agriculture corse. Mais une méfiance quant à la concrétisation de ces engagements tant au niveau financier que programmatif.
M.K