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Visages de la Corse par une Britannique

vendredi 9 août 2013, par Journal de la Corse

Visages de la Corse par une Britannique

Les Britanniques se sont toujours montrés friands de la Corse. James Boswell connut un succès quasi planétaire avec ses chroniques de la Corse paoline « Account of Corsica ». Puis il y eut l’attraction exercée par Pasquale Paoli sur la révolution américaine… En 1823 alors que la guerre des Contumaces faisait rage, Robert Benson visita l’île et publia Sketches of Corsica. Aujourd’hui c’est l’excellent hebdomadaire Courrier international qui s’intéresse au regard des Anglo-Saxons sur la Corse. Il n’a guère changé en définitive. Toujours ce mélange de fascination pour sa beauté, d’admiration pour les détails et parfois d’horreur admirative. En voici deux extraits.

Une Anglaise au pays de la belle sauvagerie

Lucy Wadham est journaliste au Financial times et, grâce à une accumulation de clichés, elle parvient à toucher du doigt une réalité qui, en Corse est souvent inconsciente. La sauvagerie des paysages répond à la sauvagerie des esprits. « Il est important, lorsqu’on se rend en Corse pour la première fois, de le faire après que les “continentaux” – comme les habitants de l’île appellent les Français du continent – sont rentrés chez eux. Vers la fin du mois d’août, vous y découvrirez, hormis l’avantage évident des plages désertées et des routes dégagées, une nette amélioration du climat général. Au fur et à mesure que faiblira le courant d’antipathie mutuelle opposant ces deux sensibilités radicalement différentes, les serveurs deviendront plus souriants et prendront davantage de temps pour plaisanter avec vous, et les propriétaires des chambres d’hôte se détendront et vous raconteront des histoires sur le folklore de leur île adorée. Vous trouverez de la confiture de figues maison sur la table du petit-déjeuner et, le soir, on vous offrira des digestifs pour faire passer le dîner. Les Français essaient d’aimer la Corse, mais peu y parviennent. Ils l’appellent l’île de Beauté pour dissimuler leur malaise face à ce lieu d’insurrection, de troubles et de superstitions. Ils acquièrent une connaissance superficielle de ce département arriéré de leur République en visitant sa spectaculaire côte occidentale en yacht privé ou affrété pour l’occasion ou en louant, voire en achetant des appartements dans des domaines surveillés par des gardiens armés et magnanimement cédés par des maires corrompus et des groupes nationalistes payés pour fermer les yeux.

Défense de construire

Comme beaucoup de mes amis, mon mari considérait qu’il fallait apprendre à connaître la Corse à petites doses en absorbant, chaque fois, un peu de sa beauté majestueuse et en la quittant rapidement, avant que les habitants de cette île féerique ne viennent tout gâcher. Il connaissait des gens qui étaient tombés sous le charme de l’endroit et avaient été assez imprudents pour y acheter une maison. Croyant avoir versé tous les pots-de-vin requis, le propriétaire avait reçu un appel de l’entrepreneur quelques jours après la fin de la construction de la luxueuse villa avec vue sur mer et montagne : la maison était totalement détruite. Ils avaient même plastiqué la piscine. Le jour même, ce Parisien prit l’avion pour la Corse et, les larmes aux yeux, fut reçu par le maire. Le Corse joignit les mains et exprima ses regrets. “Tout va bien, dit-il. C’était une erreur. Vous pouvez reconstruire… Lors de mes reportages sur ce chaos politique si problématique pour les gouvernements français, je parvenais à voler des moments de pur délice en savourant les plages de l’île, ses montagnes, sa cuisine et – oui – son peuple.

Guerre des gangs

… L’industrie touristique essentiellement haut de gamme de la Corse a réussi à prospérer parallèlement à une sorte de guerre des gangs entre plusieurs clans rivaux. J’emploie à dessein l’expression “guerre des gangs”, car les dégâts endémiques causés sur l’île tendent à n’affecter que les parties directement concernées. À vrai dire, le FLNC et ses fréquents attentats à la bombe contre des projets immobiliers de tourisme sont, comme le savent bien mes amis parisiens, la principale raison pour laquelle l’île de Beauté demeure si préservée. Plus j’écris sur la Corse et plus je suis convaincue que sa violence et sa beauté fascinante sont inextricablement liées.… Pour expliquer la passion soudaine que l’île lui a inspirée et qui ne l’a plus quittée, l’écrivain britannique Dorothy Carrington disait : “Je crois que j’ai trouvé en Corse la part d’absolu que je recherchais depuis mon enfance.” Je suppose que ce sens de l’absolu est ce qui m’incite à parler simultanément de la beauté de la Corse et de sa violence ; c’est la raison pour laquelle je ne peux toujours pas m’empêcher d’évoquer les bombes et la politique, malgré les paysages étourdissants que l’on aperçoit depuis les sentiers du circuit de randonnée GR20 ou les splendeurs du littoral que nous laisse entrevoir la route nationale 197.

GXC

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