Un rapport officiel décrit la barbarie qui règne dans la prison des Baumettes. Il n’est, hélas, que nième d’une longue liste dénonciations qui met l’accent sur la vétusté des prisons françaises et les conditions d’existence faites aux détenus. La France a d’ailleurs été déjà maintes et maintes fois condamnée à cet égard par la Cour européenne des droits de l’homme pour ces manquements à la plus simple humanité. Sans résultats… Le problème se pose également en Corse.
Le crime n’excuse pas l’injustice
Le crime doit être combattu parce qu’il est un facteur d’injustice. Les criminels affirment par leurs actes le droit du plus fort sur le plus faible et créent des situations insupportables pour l’égalité entre êtres humains. Pour autant, leur punition doit rester acceptable et surtout doit aboutir à une réinsertion dans la société et non à une plus grande exclusion. Or tous les observateurs des prisons l’affirment : aujourd’hui les conditions de détention en France transforment ceux qui les subissent en des bêtes fauves. Cette forme de violence institutionnelle est d’autant plus grave qu’elle est commise au nom du peuple. Qu’un voyou soit un voyou est cohérent. Que la justice devienne un bourreau hors du droit commun est inadmissible. Or les prisons françaises sont des lieux de torture où l’homme est broyé par ses environnements architectural et humain. Cette violence qui touche des centaines de milliers de personnes avec un noyau permanent de 66.000 prisonniers, créée plus de dégâts que le crime lui-même puisqu’il est un facteur de récidive et un ferment de révolte sauvage.
La Corse particulièrement touchée
Les journaux continentaux se sont récemment gargarisés de l’idée que la Corse était la région la plus criminelle d’Europe. C’est exact pour les crimes de sang. C’est faux pour les autres formes de délinquance. Cependant chaque famille corse connaît une personne qui, pour des raisons diverses et variées, fait ou a fait de la prison. Or notre région possède deux centres de détention (j’en exclus volontairement Casabianda). Le premier est Borgo, centre moderne et désormais surpeuplé où les conditions de détention se sont dégradées. Borgo, de surcroît est une maison d’arrêt et non une centrale. L’autre prison est celle d’Ajaccio, véritable honte pour une démocratie. Il se trouve que je m’y suis rendu à plusieurs reprises pour animer des ateliers d’écriture. Construite sous Napoléon III, elle n’a guère varié depuis. Les espaces y sont exigus. Les cellules d’une telle étroitesse qu’elles ressemblent à des placards à balai. Le bruit y est infernal. Elle aurait dû être détruite et remplacée par un établissement neuf édifié aux limites de la ville. Le terrain était acheté et la première pierre attendait d’être posée. C’est le ministre Mercier qui a annoncé l’abandon du projet sans que cela soulève la moindre protestation. Les élus se sont tus. Les nationalistes pour des raisons qui m’échappent n’ont guère fait entendre leurs voix. Entre-temps, le plan Prison a ignoré la Corse et la prison d’Ajaccio attend toujours des travaux de rénovation.
Tout est lent
Le plus désespérant dans une société comme la nôtre est de prendre conscience de tous ces projets annoncés puis avortés, de tous ceux qui au lieu de prendre un an se traînent sur dix ans, parfois quinze ans. Pour ce qui concerne la prison, nous parlons de souffrances humaines, de gâchis gigantesque. La revendication d’une nouvelle prison devrait être aussi importante que celle d’un nouvel hôpital surtout dans une société où les fils de notables ont presque autant de chances de s’y retrouver un jour que les enfants de malheureux. Car nous savons tous que les pauvres sont muets dans cette société mue par l’argent. Alors, notables bien en place, pensez aux vôtres qui un jour peut-être à Dieu ne plaise, se retrouveront derrière les barreaux. Et battez-vous pour qu’un peu d’humanité soit rendue à ceux qui ont un jour dévié ou trébuché.
GXC