Le contre-exemple Bertrand Cantat
Il se trouve encore de bonnes âmes pour faire preuve de complaisance envers des individus ayant exercé des violences à l’encontre de femmes.
Il y a quelques mois, une jeune ajaccienne est morte sous les coups portés par son compagnon. L’indignation et l’émotion ont donné lieu à une marche blanche qui a réuni plusieurs centaines de personnes. Cette réaction populaire constituant une première concernant ce genre de crime, il est apparu que notre société prenait enfin conscience de la gravité et de l’indignité que représentaient les violences faites aux femmes dans le cadre des rapports hommes / femmes. La propension, y compris chez les femmes, à ce que ces violences soient niées ou sous-estimées, et ne relèvent au fond que la sphère privée ou de l’intimité, a été remise en cause. J’ajoute qu’il a été enfin dit et écrit qu’en France, tous les deux jours, une femme est tuée par son mari ou son concubin. Cette prise de conscience doit beaucoup aux mobilisations et au travail de sensibilisation menés par les féministes et des associations ayant fait leur les combats pour l’égalité homme / femme ou pour l’extension effective des Droits de l’homme à la partie féminine de l’espèce humaine. Il faut aussi saluer l’action des magistrats qui ont traduit par des condamnations significatives, la prise en compte judiciaire de la « Grande cause nationale 2010, contre la violence faite aux femmes ». Il est désormais souhaitable que soit concrétisée la proposition de l’association « Femmes Solidaires » visant la création d’un Observatoire régional des violences faites aux femmes. Cet outil de vigilance et d’alerte est indispensable car un retour en arrière est toujours possible. Pour preuve, il se trouve encore de bonnes âmes pour faire preuve de complaisance envers des individus ayant exercé des violences à l’encontre de femmes et n’ayant jamais vraiment reconnu les caractères inhumain et intolérable de leurs actes. « L’onori sò castighi » En effet, depuis quelques jours, Bertrand Cantat, l’ancien chanteur du groupe Noir Désir, revient au premier plan médiatique. Sa participation scénique est annoncée au Festival d’Avignon. Une troupe n’a pas hésité à faire de l’assassin de Marie Trintignant la noire vedette de sa création artistique, et cela n’a manifestement pas troublé les organisateurs d’un événement mondialement connu. Ces bonnes âmes et quelques autres invoquent bien entendu le temps qui efface tout, et le fait que Bertrand Cantat ayant été condamné et ayant ainsi purgé sa peine, a payé sa dette. Cette argumentation serait recevable si l’intéressé avait réellement manifesté quelque volonté publique de tirer les leçons de ses actes. Pourquoi publique ? Tout simplement parce qu’un individu ayant atteint un certain niveau de notoriété et restant une référence pour une partie du public, doit assumer jusqu’au bout son statut. A moins d’apparaître comme un contre-exemple, il ne peut se borner à tirer avantage de la situation et se défiler quand se présente une facette désagréable ou pénible des choses. N’étant pas gêné que son nom à l’affiche serve sa carrière d’acteur et la troupe à laquelle il appartient, il ne devrait pas l’être pour exposer en quoi ses actes ont été condamnables et regrettables, et jouer ainsi un rôle pédagogique. N’étant pas Monsieur tout le monde, par le choix qu’il fait de se mettre en scène et sous les projecteurs, Bertrand Cantat ne peut prétendre se faire oublier. « L’onori sò castighi » dit-on fort justement chez nous. Pour mériter la rédemption publique, une personne se doit de rendre tout aussi publique sa contrition. Une règle qui devrait d’ailleurs être opposable à bien du monde…
Alexandra Sereni