Après la nuisette bleue vraisemblablement provoquée par les turbulences au sein du mouvement indépendantiste, Manuel Valls avait "condamné la série d’explosions" précisant avec cet humour involontaire qui caractérise ce gai luron : "Ces actes intolérables nuisent au climat d’apaisement que la population et les élus locaux de l’île ont pu constater avec satisfaction", constat judicieux confirmé quelques jours plus tard par le triple meurtre de Castirla.
Qu’ils tournent la langue dans leur bouche
Que les hommes politiques continentaux ne soient pas au fait de l’embrouillamini corse n’est pas scandaleux en soi. Nous qui appartenons à ce peuple, qui vit ici au quotidien avons le plus souvent quelques difficultés à saisir les subtilités des alliances et des ruptures nationalistes. Quant aux assassinats que dire de plus sinon que les voies de ces saigneurs sont impénétrables. Considérons donc ces malheureux ministres qui, parfois, sont obligés de proférer des banalités sur notre île avec miséricorde. Mais qu’ils apprennent tout de même à se taire lorsqu’ils ne savent pas. Évoquer un apaisement dans une île qui détient un record européen d’assassinats, est tout de même un avis frappé au sceau de la légèreté. Il est vrai que ce pauvre ministre qui se veut "le premier flic de France" est mal renseigné par ses services. Ainsi, une fois encore, le responsable de la sécurité dans notre île a-t-il évoqué un taux d’élucidation touchant les assassinats reliés au grand banditisme de 50 %. Je m’étais déjà exprimé sur le sujet en reprenant un par un ces drames et en démontrant que moins de dix pour cent avaient été réellement élucidés. La ministre de l’époque, Mme Alliot-Marie, s’emmêlant dans ses fiches avait même affirmé devant l’un de nos journalistes télévisuels le chiffre de 80 % sidérant ce confrère au point que celui-ci n’avait pas relevé l’erreur. La question désormais posée est donc celle qui relève du mensonge officiel. Fait-on œuvre utile en répétant cent fois une contre-vérité alors même que toute la population peut constater qu’on tue dans nos rues et dans nos campagnes en toute impunité.
Un désordre bien ordonné
Je ne serais pas de ceux qui accableront les services enquêteurs si ce n’est pour remarquer une fois de plus la fascinante inefficacité de la JIRS. Elle ne serait pas là que nous épargnerions des sommes conséquentes et que cela ne changerait rien au résultat ou plutôt à l’absence de résultat. Le crime organisé tue en prenant ses précautions et en détruisant les preuves. D’où les immenses difficultés auxquelles se heurtent les enquêteurs. Mais ne vaudrait-il pas mieux le dire ainsi plutôt que de se lancer dans une surenchère de résultats qui rappelle la stérile bataille de chiffres à laquelle se livrent autorités et syndicats après une manifestation. Disons les choses crûment : la question des assassinats n’est plus du seul fait des services de répression. Et ne serait-ce leur misérable orgueil bureaucratique les magistrats et les policiers en charge de ses affaires devraient comprendre que leur intérêt est aussi de dire la vérité pour impliquer les Corses dans ce combat. Soit nous Corses dont les enfants grandissent sur cette terre, continuons d’écouter avec complaisance les sirènes officielles qui affirment tout pouvoir régler sans jamais le démontrer, soit nous retroussons nos manches et nous manifestons notre ras l’bol de ces tueries qui sacrifient sur l’autel de l’intérêt des vies de plus en plus jeunes. Le grand banditisme se restructure et cherche des petits soldats kleenex qu’ils puisent dans le vivier de fausses traditions mélangées à cette modernité vorace du libéralisme conquérant. On prend, on jette, on consomme et on détruit. Ce désordre provoqué par la disparition des anciennes pointures mais aussi par le délitement des valeurs de notre société et la misère grandissante, fait le lit des nouveaux seigneurs de guerre. Et la violence clandestine, devenue elle aussi multiformes, ne fait qu’encourager cette course au massacre. Les policiers et les gendarmes sont impuissants à l’arrêter. Osons donc dire haut et fort que cette chronique de notre mort annoncée est d’abord notre histoire.
GXC