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Vidéo violente : danger !

jeudi 14 juin 2012, par Journal de la Corse

Les jeux vidéo violents n’ont rien à voir avec les combats de « Cow-boys contre les Indiens » ou à des lectures de récits violents ou pervers.

« Observez, planifiez, exécutez » : c’est l’accroche commerciale d’un jeu vidéo qui propose comme challenge de se hisser à la hauteur d’un sniper d’élite. Pour indiquer au joueur qu’il ne restera pas au niveau d’un tireur de foire, mais se glissera dans la peau d’un véritable professionnel, la notice de présentation fait dans la technicité. Elle précise qu’il devra « prendre en compte le vent, la gravité, la vitesse et le coefficient de pénétration dans l’air, la stabilité de l’arme et bien d’autres éléments ». C’est du sérieux ! La notice mentionne aussi que le joueur pourra évaluer ses performances et ses progrès en usant d’une « kill cam ultra spectaculaire » qui lui permettra de suivre la balle depuis le bout de son fusil jusqu’au corps de la cible. C’est du probant ! On peut toutefois s’étonner que le concepteur du jeu n’ait pas été jusqu’à rendre possible le suivi du cheminement du projectile jusqu’à l’éclatement d’un organe vital de la cible, tout en offrant une vue imprenable sur les dégâts occasionnés, au passage, à la peau, aux chairs, aux vaisseaux sanguins et au système nerveux. S’il l’avait fait, on eût pu qualifier ce jeu de génial et d’accompli. Mais pour 50 euros, on ne peut pas tout avoir. La qualité n’est pas à la portée des petites bourses. Toutefois, la notice promet au joueur un panel de situations : « Choisissez vos cibles : vous serez en permanence confronté à des choix pour atteindre vos objectifs et trouver la meilleur solution possible pour être le moins exposé à vos ennemis ». C’est sympa de se retrouver décideur ! Cependant, au risque d’apparaître ringarde, j’affirme que ce genre de jeu est à proscrire de l’univers de nos enfants. J’ajoute que concernant les adolescents et les adultes, y jouer des heures par jour ou par nuit ne saurait être considéré comme banal. A mon sens, les jeux vidéo violents n’ont rien à voir avec les combats de « Cow-boys contre les Indiens » ou de « Français contre les Allemands » auxquels nos frères et nos fils s’adonnaient durant leur enfance. Ils ne sont pas non plus comparables à des reconstitutions de batailles recourant à des figurines et des maquettes, ou à des lectures de récits plus ou moins violents ou pervers.

Des effets traumatiques avérés

Ceux qui tirent profit de ces jeux ne sont bien sûr pas de mon avis. Pourtant, depuis plus de vingt ans, des experts assurent que la vision directe et prolongée d’images violentes a des effets néfastes sur les comportements. Les image de jeu vidéo projettent dans l’action et imposent aux joueurs des fantasmes qui s’ajoutent aux leurs. Aussi la boulimie d’images violentes peut avoir un effet traumatique sur les sujets fragiles ou non avertis. Par ailleurs, le jeu vidéo violent n’est en rien porteur des vertus que certains lui prêtent. Ainsi, il n’a pas un effet de « catharsis », c’est-à-dire d’expression symbolique et collective des passions afin de s’en purger. Au contraire, du fait de son impuissance finale à « vivre » et partager l’action virtuelle dans laquelle il se trouve projeté, le joueur peut passer beaucoup de temps devant un jeu vidéo, se sentir protégé des difficultés rencontrées dans le monde réel, éprouver un plaisir tiré de la satisfaction immédiate qu’apporte l’image, être frustré du caractère éphémère du plaisir rencontré et aspirer à sa répétition. Aussi, des personnes sujettes à des pulsions agressives et ayant une personnalité narcissique risquent de développer une tendance répétitive et de s’identifier au héro / bourreau. Il est aussi admis que le jeu vidéo tend à captiver plus que de raison : incitation à agir dans l’urgence sans prendre le temps de réfléchir et sans souffrir d’être interrompu, maintien prolongé dans un univers virtuel, fascination pour la compétition. Enfin le jeu vidéo développe souvent une idéologie individualiste, élitiste et simpliste conduisant au rejet et au mépris d’autrui : culte de la force et de la puissance, mode de résolution des problèmes fondés sur l’élimination sans négociation ou dialogue possible, êtres malformés ou assimilés aux méchants, personnages féminins souvent réduis à l’état de victimes ou d’objets sexuels… Enfin, les jeux vidéo contribuent à faire disparaître la différenciation entre le désir et sa réalisation (on fait souffrir et mourir son ennemi) et légitiment la transgression. De quoi aider à générer de plus en plus de Christian Bale et de Luka Rocco Magnotta…

Alexandra Sereni

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