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VEOLIA : faut-il vraiment avoir peur ?

mercredi 1er décembre 2010, par Journal de la Corse

Politique Il serait dangereux de ne pas limiter l’emprise du groupe VEOLIA et d’en faire ainsi un acteur monopolistique. Il y a quelques jours, des militants de Corsica Libera ont occupé les locaux d’une filiale de insulaire du groupe VEOLIA Ils entendaient ainsi dénoncer une « mainmise » de cette multinationale sur la Corse. C’est également en invoquant ce risque que les conseillers territoriaux de ce mouvement ont annoncé qu’ils s’opposeraient à la suppression de « l’aide sociale au passager transporté » sur les lignes maritimes Corse / Nice et Corse / Toulon, et à l’extension aux lignes Corse / Toulon de l’enveloppe de continuité territoriale subventionnant le service public maritime. Il leur apparaît en effet que ces mesures envisagées par le Conseil exécutif favoriseraient le groupe VEOLIA car, d’une part, Corsica Ferries serait mise en grande difficulté et, d’autre part, la SNCM, dont VEOLIA détient une grande partie du capital, y trouverait plus que son compte. Un autre acteur politique s’est lui aussi alarmé d’un risque de position ultra dominante de Veolia. Sur son blog, le socialiste Vincent Carlotti qui vient d’annoncer la constitution de « La Gauche autonomiste » a écrit : « Je partage l’inquiétude des élus indépendantistes quant à l’emprise de Veolia en Corse au cas où la Sncm retrouverait une position monopolistique. Il ne manquerait plus alors que la multinationale en question remporte en 2011 le marché de la gestion des chemins de fer corses, en cas de retrait de la SNCF, pour que nous nous retrouvions aux temps funestes de la Banque Saint Georges ». Cette vision des choses révèle une forte préoccupation car cet établissement bancaire a représenté le plus féroce des colonisateurs de l’île. Egalement appelé Office de Saint Georges, il a été l’instrument le plus performant de la République de Gênes en matière de domination et d’exploitation coloniales en Méditerranée. Sa gouvernance en Corse s’est distinguée par une grande rapacité fiscale. Captation de l’argent insulaire Il convient de reconnaître que le groupe Veolia commence à peser très lourd en Corse. Outre au sein de la Sncm ; il est fortement présent dans les secteurs de l’eau et de l’assainissement. Plus du tiers des habitants permanents de l’île et la plupart des principales zones touristiques ont recours aux services de sa filiale Kyrnolia. Les seuls grands comptes échappant à cette dernière sont Corte et la Communauté d’Agglomération de Bastia. On retrouve aussi indirectement le groupe Veolia dans le capital d’Air Corsica (ex Ccm) car la Sncm est un des actionnaires de la compagnie régionale aérienne. Il n’est pas interdit de penser que cette présence pourrait encore être renforcée. Les syndicalistes de la Cgt et du Stc ont dernièrement fait part de leur crainte que Veolia s’empare de la gestion du réseau ferré insulaire. Ils sont d’autant plus inquiets que la Sncf, l’actuel gestionnaire, semble ne plus être très intéressée. On prête aussi au groupe Veolia l’intention de financer en partie la construction du nouveau port de commerce de Bastia et de s’impliquer dans le traitement des déchets. Alors, faut-il vraiment avoir peur de Veolia ? Il est certain que son emprise est déjà considérable et de nature à influencer significativement les choix économiques et politiques. En effet, elle s’exerce dans des secteurs stratégiques ayant un impact direct sur l’activité économique et la vie quotidienne. De plus, à travers les délégations de service public et la perception d’une grande partie de l’enveloppe de continuité territoriale, le groupe capte une partie très importante de l’argent insulaire. Il est aussi mis en cause un coût exorbitant et incontrôlable de l’eau, une insuffisance de réinvestissement dans l’île des bénéfices réalisés, une lisibilité relative des comptes, une fiscalité et des charges sociales ne profitant pas à la Corse et une absence de pouvoir de décision stratégique au plan local. Enfin ; il est reproché à Kyrnolia de concurrencer et même compromettre la viabilité de l’Office d’Equipement Hydraulique de la Corse, ou du moins de « plomber » son développement. Ne pas diaboliser mais... Ces arguments, même si l’on admet qu’ils puissent céder à l’exagération, à l’extrapolation ou à un refus de prendre en compte un environnement économique marqué par la concurrence et la loi des grands groupes, méritent d’être pris en considération. Sans pour autant diaboliser, il convient de se montrer vigilant. Il serait dangereux que Veolia puisse un jour disposer de la position dominante que l’autorisent à envisager sa puissance financière et industrielle, sa force d’expertise et sa capacité d’occuper de nombreux secteurs d’activité. Ne pas limiter son emprise, et accepter ainsi qu’il devienne un acteur monopolistique, reviendraient à en faire, comme le relève Vincent Carlotti, une sorte d’Office Saint Georges. Ce qui finirait par aller à l’encontre de trois volontés : celle de gauche d’un service public maîtrisé par les collectivités publiques, celle des nationalistes de sauvegarde de l’intérêt collectif corse et de gestion insulaire des grands secteurs stratégiques, celle des libéraux entendant favoriser la concurrence. Alors « Veolia fora ! » ? Peut-être pas, mais « Veolia basta ! » assurément. Pierre Corsi

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