Le ministre de l’intérieur a une nouvelle fois stigmatisé les Corses à travers leurs élus trouvant que ces derniers n’avaient pas suffisamment condamné la récente nuit bleue qui, pour l’heure, n’a toujours pas été revendiquée. Il a ainsi rejoint Christophe Barbier, le directeur de l’Express dans une dénonciation qui une fois encore désigne une communauté entière et non plus un groupe activiste.
Un état perdu et éperdu
Manuel Valls doit se demander chaque jour comment ne pas se prendre les pieds dans le tapis corse. Car jusqu’à aujourd’hui tous les ministres de l’intérieur qui l’ont approché ont trébuché puis chuté. Mais comment agir après avoir roulé des mécaniques comme un fort des Halles affirmant haut et fort, mouvement de menton à l’appui, que la "mafia corse" allait plier devant lui, que le terrorisme allait ramper ? Et le tout répercuté avec enflure par une presse continentale trop heureuse d’avoir un sujet facile à se mettre sous la dent. Le premier résultat, selon un sondage, est que les Corses ne lui font pas confiance. Car la difficulté est que le règlement de la question corse est autrement plus compliqué que le simple envoi de CRS supplémentaires dans une île qui déjà n’en manque pas. Sa résolution exige de parvenir à trier entre les bonnes et les fausses protestations des Corses eux-mêmes afin de les mettre devant leurs responsabilités. Je veux parler d’élus traditionnels trop contents de pouvoir une fois encore s’abriter derrière cette violence qui justifie leurs échecs répétés. Je veux parler de ces nationalistes modérés qui, plantés au milieu du gué, se demandent encore s’ils vont dénoncer la violence frontiste au risque de se couper d’une partie de leur électorat ou l’utiliser afin de se poser en garants de la paix sociale. Je veux parler de ces clandestins qui feignent de croire que 20 attentats empêcheront la vague bétonnière bien souvent voulue et menée à bien par des Corses et qui de toute manière n’a pas empêché l’exponentielle des permis de construire. Je veux enfin parler encore et toujours de ces nationalistes qui, le cul entre deux chaises, continuent de brandir le drapeau de l’intégrité tout en multipliant de leurs côtés leurs implications dans les affaires immobilières. Ne pas tenir compte de cette complexité qui vire parfois au chaos c’est prendre le risque de retomber dans les ornières de la période Bonnet avec son cortège de brutalité, de maladresses, de stigmatisation ethniciste avec au bout du compte un échec prévisible.
Quand Manuel Valls joue la Corse contre la France
Entendre dire par le ministre de l’intérieur que Nicolas Alfonsi représenterait l’avenir républicain de la Corse, puis écouter le momie’s blues de cette fantomatique organisation masochiste, France-corse, qui affirme qu’apprendre le Corse reviendrait à priver nos têtes blondes de l’usage d’autres langues étrangères, c’est comprendre que l’un des plus éminents représentants de l’état a choisi la voie de la réaction et celle de la répression. On aurait tort de croire à une errance momentanée. Manuel Valls est un ambitieux qui croit à son destin national. Or le vaisseau sur lequel il s’est embarqué prend l’eau de toutes parts : Florange, Cahuzac etc. Une partie de l’opinion de gauche commence à se dire que le président Hollande ne vaut guère mieux à l’usage que le président Sarkozy. Manuel Valls, dans une telle conjoncture, a intérêt à passer pour un homme d’état qui sait ce qu’il veut et qui se donne les moyens de ses missions au contraire de son président. Il ne fera donc aucune concession à la Corse. Je ne crois pas personnellement qu’il veuille ou même puisse se lancer dans une quelconque révision constitutionnelle au risque de provoquer une crise grave au sein de son propre camp. Il va jouer le jacobin pur et dur, premier flic de France, quitte à stigmatiser la Corse tout entière pour satisfaire la France profonde.
Utiliser l’expérimentation législative
La Corse va devoir jouer finement en sachant que la vague de violence actuelle joue contre une avancée de son statut. Mais elle possède dans son arsenal une arme qui n’a encore jamais servi : l’expérimentation législative. Notre assemblée possède le pouvoir de proposer au parlement français des mutations législatives propres à la situation corse. Pourquoi la représentation insulaire dans son ensemble ne proposerait-elle pas une modification de la Constitution portant sur la langue et le statut de l’île ? Cela ne signifie pas que la bataille serait gagnée mais ce serait un signe d’unanimité qui ne pourrait que donner du poids à de telles revendications. Sinon, il est à craindre que les tensions occasionnées par la crise politique, par la montée du chômage et l’appauvrissement des finances nationales ne rendent totalement sourds nos dirigeants nationaux.
GXC