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VALEUREUSES PRIMAIRES

jeudi 7 juillet 2011, par Journal de la Corse

Et voici les « primaires ». Aux USA elles servent à désigner des candidats et non des élus. Elles précèdent donc l’élection proprement dite (et pas seulement présidentielle). Elles concernent généralement un parti. Elles peuvent être ouvertes (tout électeur inscrit est à même d’y participer) ou fermées ( seuls y prennent part ceux qui au moment de leur inscription ont indiqué leur volonté de voter aux primaires républicaines ou démocrates).

Dans certains Etats, les électeurs désignent d’une part les délégués à la Convention nationale de tel parti, d’autre part parmi les personnalités ayant fait acte de candidature, celle qui a leur préférence. Le parti socialiste a donc adopté une imitation française du système américain. Un trait de modernisme ? Une manière d’éviter les contestations de fraude dont les scrutins internes du parti avaient fait l’objet ? Un hommage rendu à l’influence d’internet ? Peu importe ! Ses dirigeants ont su innover et tenter de répondre ainsi aux désirs de changement de la jeunesse, au moins dans les modalités du choix. Reste à savoir si les lois valables pour un peuple et bonifiées par les ans sont aussi appropriées pour un autre. Ce sont les risques de toute expérimentation. Alors, nous a-t-on prévenus, les listes électorales officielles seront mises à la disposition du parti. On a évité, semble-t-il, la formalité américaine d’inscription et de déclaration de voter pour la primaire du parti socialiste. Des raisons technocratiques probablement, sans exclure l’appréhension de voir les électeurs renâcler à se déplacer deux fois. A la place chacun, a-t-on précisé, écrira en marge de la liste qu’il (ou elle) partage les valeurs de la gauche et signera. Nous n’entrerons pas dans la querelle de Jean-François Copé pour savoir s’il s’agirait d’une violation du secret du vote. Il y a des tribunaux pour cela. Il eut mieux valu cependant que le maire socialiste de Nantes se fût abstenu d’organiser le fichage de ses opposants avant les dernières élections municipales en 2008. Passons. Mais la déclaration sur l’adhésion aux valeurs de la gauche ne peut manquer de titiller les citoyens qui attachent aussi de la valeur aux mots. Pourquoi s’annexer toute la gauche par un tel appel aux valeurs alors qu’il s’agit seulement d’affirmer une résolution de soutenir la candidature du parti comme le font les américains ? Appel aux partisans de l’extrême gauche ? Rejet des sympathisants centristes ? Nostalgie anachronique de l’époque où le candidat Mitterrand déclarait : « Celui qui ne consent pas à la rupture avec l’ordre établi, avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, ne peut être adhérent du parti socialiste » ? Le parti socialiste aurait-il un projet fourre-tout pour les idéologues et un programme de gouvernement inversé pour le candidat ? Personne ne peut oublier ce tournant de mars 1983 où, opérant un virage à 180°, et se rangeant à l’avis de son ministre des finances Jacques Delors, François Mitterrand choisit la rigueur et l’austérité. Depuis lors, le parti socialiste est devenu un « parti de gouvernement ». Ses valeurs de référence sont forcément celles de l’alternance démocratique et donc les valeurs fondamentales inscrites dans la constitution (Incluant le Préambule de celle de 1946). Souveraineté nationale, démocratie, solidarité économique et sociale. Justice-libertés publiques. Egalité. Progrès. Droits de l’Homme. Telles sont aujourd’hui les valeurs fondamentales des républicains, comme elles le sont également du socialisme démocratique. Seules les modalités d’application peuvent varier. C’est l’intérêt des programmes et des candidatures. Mais on ne sort de l’ambigüité qu’à son détriment. Alors, va pour la gauche ! « Toujours à gauche mais pas plus loin. » a dit un jour un vieux routier de la politique.

Marc-Aureliu Pietrasanta

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