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Une île entre terre et ciel

jeudi 10 mai 2012, par Journal de la Corse

Les résultats plus que prometteurs de la Corse dans le domaine footballistique et la veine créative de la Corse en musique, démontrent si besoin en était que notre île excelle également dans des domaines qui ne sont pas ceux de la politique et de la violence. Mais entre les passes au ras du sol et les envolées vers les hauteurs, elle peine à trouver le "juste milieu", celui de l’homme.

Une île qui ne possède pas de centre

Notre île est selon la formule consacrée et ô combien éculée une montagne dans la mer, une terre au relief contrasté où les plaines sont rares. Toute en pentes, la Corse, travaillée par les invasions et le paludisme, n’a guère pu ou su accumuler les richesses nécessaires à une hiérarchisation sociale. Chacun ici se sent donc l’égal de l’autre pour le meilleur et pour le pire. Pour le meilleur car il n’est jamais mauvais que le plus humble s’adresse d’égal à égal au plus puissant. Pour le pire car cet "égalitarisme" a indéniablement favorisé le système clientélaire issu du tribalisme et de la romanité. Et en ce début de troisième millénaire, il est toujours aussi difficile de donner ses lettres de noblesse à l’idée de compétence et de valeur individuelle détachée des appuis, du piston, des réseaux c’est-à-dire à la puissance et donc au pouvoir. Malgré trois statuts extraordinairement avantageux nous continuons de nous déterminer avec comme référent le pouvoir central. Nous exigeons toujours plus d’avantages alors que nous n’avons pas encore épuisé ceux que nous offraient les statuts précédents. La violence, notre violence, est l’expression de ces faux-semblants. À défaut de nous déterminer en notre âme et conscience, de parvenir à nous confronter démocratiquement, nous préférons bien souvent sauvegarder des apparences archaïques tels que les solidarités claniques ou familiales pour nous exprimer sous des masques (y compris la cagoule). La Corse est ainsi un univers dépourvu de véritable centre éparpillée en des apparences toujours trompeuses. Les décisions sont prises aux marges et dans l’ombre.

Deux pôles d’excellence

Et pourtant nous excellons dans certains domaines. Ce sont ceux qui exigent une responsabilité immédiate. Parlons d’abord du football. Sur Eurosport.com, à la question : "Que pensez-vous du renouveau du football corse, Thomas Biel, commentateur reconnu, déclare : " Ajaccio peut toujours se maintenir [en ligue 1], Bastia va retrouver l’élite, le Gazelec est dans le coup pour accéder à la L2 (plus demi-finale de coupe de France) et il y a également le CA Bastia, leader de sa poule de CFA. La Corse compte 9000 licenciés et pourrait se retrouver avec quatre clubs dans les trois premières divisions ! C’est tout simplement hallucinant ! Je sais qu’il y a de très bons éducateurs dans le football amateur. Et puis, les clubs se structurent, se développent et s’appuient sur un public de passionné. Mais imaginez qu’en Île de France, on dénombre un seul club en Ligue 1 et deux clubs en National !". La Corse est là une exception qui ne doit évidemment pas faire oublier le drame de Furiani il y a tout juste vingt ans causé essentiellement par une âpreté au gain, des magouilles financières qui impliquaient des notables, des nationalistes et des représentants de l’état sur fond de j’m’enfoutisme généralisé. Car le lascia corre fait aussi partie de notre patrimoine culturel. Autre pôle d’excellence : celui du chant et de la poésie. Le nombre d’excellents groupes qui se créée est impressionnant. Beaucoup de textes sont d’une grande beauté. Le dernier en date qui m’ait été donné d’entendre est A lèttara muta chanté par le groupe Attallà sur un texte d’Alain di Meglio. Cela vous tire les larmes des yeux.

Trouver le chemin de l’homme

La Corse est donc douée pour ce qui touche à l’’instinct, à l’intelligence et à l’émotion. Qu’est-ce qui peut donc expliquer son relatif échec en matière d’organisation humaine ? Vraisemblablement son incapacité à se placer au niveau de l’homme c’est-à-dire à se centrer sur ce qu’elle est réellement, à trouver les chemins de son âme. Aujourd’hui les termes d’indépendance, de colonialisme n’ont plus le sens qu’ils avaient au siècle dernier. La mondialisation et la crise économique qui en a résulté pour l’Occident ont bouleversé l’’ordre des valeurs. La Corse doit s’assumer dans un cadre intérieur fondé sur la justice et une forme d’égalité sociale. Sans cela les conflits succéderont aux conflits. C’est à cela que doivent réfléchir les divers partis insulaires plutôt que de sans cesse se critiquer pour mieux se renier. Bientôt, de fait, la Corse redeviendra une île esseulée en Méditerranée. D’ores et déjà il faut assumer ce destin. Ou alors préparons-nous à nous chercher une nouvelle puissance tutélaire comme ce fut le cas après la chute de Pise, puis celle de Gênes et désormais celle de la France impériale.

GXC

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