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Une île en grande difficulté

jeudi 12 janvier 2012, par Journal de la Corse

Un article du journal économique les Échos révèle une information détonante qui n’étonnera que les naïfs : Air France s’apprêterait à considérablement réduire ses activités sur la Corse. Elle imiterait en cela la SNCF et Veolia en attendant EDF. La Corse s’apprête donc à affronter une période à laquelle elle n’est absolument pas préparée : le désengagement conjoint de l’état et des grandes compagnies qui jusque-là donnait l’impression d’une normalité confortable à défaut d’être luxueuse.

La Corse redevient une île

Que se passerait-il si par exemple en morte-saison, la Corse n’était plus reliée au continent que par un bateau par jour et un ou deux vols quotidiens ? Que se passerait-il si l’énergie soumise au prix du marché était vendue aux particuliers à son prix réel sans l’aide nationale ? Que se passerait-il enfin si les finances de la CTC ne permettaient pas d’ici dix ans de payer les retraites de ses fonctionnaires territoriaux ? Et on pourrait ainsi allonger la liste de ce conditionnel désastreux ? Le problème est lorsque l’incertain deviendra certitude. Un article des Échos signé par Bruno Trevidic révèle la véritable stratégie d’Air France en Corse et donne les clefs de son entêtement vis-à-vis des 45 CDD indignés d’Ajaccio et de Bastia : « Loin de vouloir céder aux revendications des 45 indignés » qui réclament leur titularisation, Air France semble en effet décidé à réduire ses coûts d’escale en Corse, deux fois plus élevés que sur le continent. La compagnie, qui emploie quelque 400 permanents en Corse, accuserait une perte annuelle de 25 millions d’euros. Et ce malgré les 65 millions de subventions versées par la Collectivité territoriale de Corse à Air France et Air Corsica. Selon nos informations, Air France a ainsi annoncé à son partenaire Air Corsica son intention de ne plus assurer le traitement de ses vols en escale à compter du 1er avril. Une décision qui, si elle se confirme, obligerait Air Corsica à réembaucher tout ou partie des anciens salariés d’Air France. Par ailleurs, Air France aurait décidé de ne plus embaucher de CDD en période estivale mais de faire appel à des sous-traitants afin d’éviter le type de conflit actuel. Par ailleurs, Air France et Air Corsica continueraient de négocier avec la collectivité territoriale une forte augmentation des subventions pour le prochain contrat quadri annuel, à compter du 1er avril. Les deux compagnies, qui sont les seules à avoir répondu à l’appel d’offres, auraient demandé au total plus de 100 millions par an alors même que les finances de la CTC sont soumises à un régime amaigrissant. Il s’agit vraisemblablement d’un chantage aux subventions mais également une volonté d’Air France de se désengager de sa « collaboration » avec Air Corsica. Ainsi mois après mois, c’est donc à un rendez-vous avec une cruelle réalité économique que doit se préparer la société corse, une réalité qui rimera inévitablement avec vie plus chère et services publics en berne.

Faire de véritables choix de sociétés

Il est regrettable qu’en pareille situation l’unité syndicale ne soit pas de mise. Parfois, la faute en revient au STC parfois à la CGT. Dans le cas des Indignés d’Air France, la Ligue des Droits de l’Homme de Corse avait proposé à ce syndicat une convergence des luttes notamment avec les travailleurs de la Santé. Proposition refusée. Or le combat d’Air France est capital pour l’avenir de notre île. Ce n’est pas une affaire d’orgueil de chapelle mais le fer de lance d’un combat à mener. On peut d’ailleurs s’interroger sur le silence tragique de la presse continentale mais également des forces syndicales et politiques sur le continent. Alors que les Indignés d’Air France ont déjà enregistrée plusieurs victoires judiciaires, un soutien grandissant de la part de la population, rien ne filtre hors nos frontières insulaires. Mettons cela sur le compte d’un découragement grandissant qui, sur le continent, préfigurent hélas bien des défaites à venir. En attendant, les nombreuses et diverses luttes qui émaillent ce début d’année interpellent une classe politique singulièrement absente et omnibulée par les élections à venir. Elles exigent que les élus de Corse définissent des choix de société alors même que le schéma d’assistanat jusqu’alors en vigueur est en train de s’effondrer. Ne serait-il pas grand temps de tracer les contours d’une Corse autonome et responsable pour partie des impôts levés sur notre territoire. On lira à ce propos le fort intéressant article de Guillaume Guidoni écrit pour le site corse-economie.eu intitulé « Comment la CTC est passée à côté de 860 millions d’euros… Si à la place du PEI, on avait négocié une réforme fiscale, la CTC aurait gagné 860 millions d’euros de recettes fiscales ». Peut-être une piste à suivre pour un futur très proche.

Gabriel Xavier Culioli

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