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UNE HISTOIRE DE CAISSES VIDES

jeudi 1er septembre 2011, par Journal de la Corse

Les historiens nous l’assurent. Les événements peuvent au cours du temps se ressembler. Mais ils ne sont jamais identiques. Donnons leur raison. Pourtant, certaines ressemblances, au gré des époques, arrivent à nous impressionner. Au cours de vacances villageoises, il arrive de feuilleter de poudreux manuels scolaires oubliés. Ainsi avons-nous été plongés dans l’histoire pittoresque, si l’on peut dire, de cette période finale de la Révolution connue sous le nom de « Directoire ». Un gouvernement de cinq membres, d’une durée de quatre ans. Produisant des tonnes de lois et des tonnes de billets de banque, les fameux « assignats ». Barras, chef de l’Exécutif, habile et cynique, menait grand train. Les notes de certains restaurants du Palais Royal où dînaient les convives de la nouvelle classe dirigeante étaient faramineuses. D’où venait le fric ? « Des affaires » disait-on. Des fortunes s’édifiaient du soir au lendemain. On dansait et on mourait de faim. Les femmes portaient des robes qui moulaient le corps, dégageant le bras, l’épaule, le sein, la jambe. A Paris, les divorces étaient innombrables. Il n’y avait plus aucune sécurité. Les routes n’étaient plus sûres. Les « braquages » de banques et de caisses publiques étaient courants et les maraudeurs légions. La notion d’autorité s’était diluée. Les pauvres murmuraient. »Ils n’avaient pas de quoi se faire cuire une poignée de riz » selon un journal du temps. On avait installé des instituts philanthropiques dans toute la France pour leur venir en aide. L’anarchie était partout. Les caisses de l’Etat étaient vides. La faillite menaçait. Il fallait trouver 600 millions. On tomba dans la fatalité du papier monnaie. On imprime des billets. Mais les prix montent à proportion de ce qu’on imprime et rien ne peut les arrêter. On eut recours à l’emprunt forcé. Impôt ouvertement proclamé « contre les riches ». Mais comme avait dit Buzot « le malheur est que, en voulant tuer le riche on tue le pauvre. » Comme les prix montaient quand même, on rétablit la loi du maximum. On frappa ceux qui dépassaient les limites d’amendes qu’ils ne payèrent pas. Cela ne fit qu’augmenter les dépenses de recouvrement par la nécessité de multiplier les agents du fisc. On abolit la loi du maximum. Il dissimulait seulement la dépréciation du papier et procurait une richesse factice. On rendit la liberté au commerce mais ce fut inefficace. La nuit ne suffit plus à imprimer des billets qu’il fallait émettre le lendemain. L’on vendit à vil prix ce qu’on pouvait vendre. Les spéculateurs achevèrent le pillage des biens nationaux. On augmenta les impôts directs. On créa des taxes progressives. Ça ne suffit plus. On décréta un nouvel emprunt forcé. Ceux qui le payaient durent contracter à cet effet des emprunts ruineux. Les commerces fermèrent. On mourut de faim. Ce fut une cascade de faillites, une exportation effondrée, une propriété chancelante, un chômage en hausse. La liberté était soumise à 2231 lois et à un million de règlements. La confiance avait disparu. Le peuple ne croyait plus à rien. Il était las des scènes de révoltes à répétition. On se soûlait de plaisirs qui faisaient injure à la misère. C’est alors que survint le coup d’Etat du 18 brumaire. Bonaparte déclara : « Les places seront ouvertes à tous les Français de toutes les opinions, pourvu qu’ils aient des lumières, de la capacité et des vertus. » La France se réveilla de son cauchemar. La confiance se rétablit en quelques mois. De la confiance naquit l’union des Français. Le pays se reconstitua comme par miracle. La Révolution était terminée. « Pas si mal pour le petit général qui avait fait l’objet de l’opposition de Dupont de Nemours, économiste renommé et membre du Conseil des Anciens, à sa nomination au commandement de l’armée d’Italie. Le parlementaire s’adressa au Directoire en ces termes :» J’ai peine à croire que vous fassiez cette faute… Ne savez-vous pas ce que c’est que ces Corses ? Ils ont tous leur fortune à faire. »

Marc’Aureliu Pietrasanta

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