Accueil du site > Societe > Un pas en avant deux pas en arrière
 

Un pas en avant deux pas en arrière

jeudi 17 mai 2012, par Journal de la Corse

Nicolas Sarkozy a bien sûr perdu 6000 voix par rapport à la précédente élection présidentielle. Mais il a néanmoins emporté la victoire au second tour en Corse avec une confortable avance. Encore une fois la Corse a démontré qu’elle se comportait comme les autres territoires vieillissants de France avec pourtant une singularité : alors que sur le continent 60% des jeunes ont voté à gauche, c’est exactement le contraire en Corse avec une forte prédominance du Front national. La Corse se trouve une fois de plus à contretemps de ses intérêts premiers tandis que la France s’éloigne d’elle crise économique oblige.

À contretemps depuis le Moyen-Âge

Dire que la Corse a raté plusieurs rendez-vous avec l’histoire est un doux euphémisme. Cela n’a pas toujours été de son fait mais il faut reconnaître qu’elle y a largement mis du sien. Ou plus exactement ses chefs de clan, à de rares exceptions près, n ont toujours joué leur carte personnelle quand bien même elle les menait au déshonneur. La raison semble assez simple : la Corse n’a jamais vraiment cru en elle-même et a privilégié le système clanique à ses intérêts globaux et ce faisant a toujours joué la carte de ses relations avec la puissance tutélaire oubliant ses propres atouts et son développement. C’est là une constante de son histoire. Au XIIIe siècle, la Corse lâche prise après la défaite de la Meloria et sa partie septentrionale, la plus évoluée, se tourne vers Gênes, la cité désormais dominante. Le sud, la Terre des Seigneurs, résiste essentiellement parce que les derniers seigneurs cinarcais se disputent le pouvoir. Colonie génoise, affreusement traitée par les sicaires de l’Office Saint-Georges, la Corse se révolte contre Gênes lorsque celle-ci a mis un genou en terre, crise économique oblige. Les notables insulaires tentent d’abord à obtenir des avantages qui leur avaient été précédemment refusés et qu’ils espèrent obtenir grâce au désordre révolutionnaire. Puis, dans le refus génois, ils se cherchent un nouveau protecteur. C’est la période des valses-hésitations qui laisse sur le bord du chemin les véritables combattants corses, ceux issus du peuple. Pasquale Paoli ne doit son arrivée en Corse qu’à la disparition tragique de Gaffori et il arrive sur un malentendu. Lui, inspiré par l’esprit des Lumières, veut une Corse libérée de ses chaînes tandis qu’une majorité de capizzoni réclament des mesures qui leur seraient favorables. Le deuxième rendez-vous manqué est celui de la Révolution française quand la Corse, une nouvelle fois à contre-courant s’offre à l’Angleterre avant de jouer la carte contre-révolutionnaire. Un demi-siècle plus tard, la révolution industrielle oublie la Corse n’a pas pour conséquence un développement économique de l’île mais un départ massif d’une partie de ses élites vers le continent.

Une Corse entre deux

La Corse, maltraitée après la défaite de Sedan, reste majoritairement réactionnaire sous la IIIème République et si Emmanuel Arène, républicain et dreyfusard est élu à Ajaccio c’est qu’il applique avec rigueur les règles clanistes à commencer par l’éviction brutale de ses adversaires. En 1936, la Corse se donne deux députés radicaux (César Campinchi et son beau-père Aldophe Landry) et deux députés de droite (François Pietri et Camille de Rocca Serra) qui eux deviendront des collaborateurs actifs. Les affrontements sont durs entre une gauche modérée et une droite extrémiste. Mais la Corse se trouve majoritairement du côté de la France réactionnaire à commencer par la municipalité d’Ajaccio qui apporte son soutien enthousiaste à Mussolini dont les troupes envahissent l’Éthiopie et aux armées de Franco qui combattent la République espagnole. Si la Corse plébiscite le coup d’état du général de Gaulle en 1958, elle vote majoritairement contre les accords d’Evian qui signent la fin de la guerre d’Algérie mais plébiscite le même général en 1965. En 1981, alors que François Mitterrand est élu président de la république, la Corse vote Giscard d’Estaing mais porte sur les bancs du parlement trois députés de gauche sur quatre. Le seul rescapé est alors l’inoxydable Jean-Paul de Rocca-Serra. De quoi donner le tournis au plus fin des analystes. Mais si on veut se donner la peine de suivre cette logique microcospique, la Corse devrait donner aux prochaines législatives un score étonnant pour les forces légitimistes c’est-à-dire de gauche ou alliés (je pense notamment aux nationalistes modérés).

GXC

Répondre à cet article