Accueil du site > Societe > Un ministre et les prisonniers corses
 

Un ministre et les prisonniers corses

jeudi 19 mai 2011, par Journal de la Corse

Prisonniers

La question du rapprochement des prisonniers corses détenus sur le continent était sous-jacente à la visite du garde des Sceaux en Corse. Après les deux réunions à la Chancellerie en septembre et en mars, puis les premiers transfèrements, Michel Mercier estime que les engagements pris par l’Etat sont tenus tandis que les partis et les associations nationalistes expriment leur scepticisme.

Deux mois après les engagements pris en faveur du rapprochement des détenus corses lors d’une réunion au ministère de la Justice avec les principaux élus politiques, le ministre n’a pas hésité à afficher sa satisfaction quant à l’avancée de la problématique. « Le gouvernement a pris des mesures de très forte portée » qui ont permis, selon lui, « de mettre fin à des années d’incompréhension ». Avançant que quatre condamnés ont déjà été transférés, que deux autres le seront avant la fin du mois et que trois membres du commando Erignac seront également concernés par une mesure de rapprochement à l’issue du procès d’Yvan Colonna, Michel Mercier estime que « aujourd’hui ces engagements sont tenus ». Parallèlement, a-t-il souligné, « 17 détenus dits de droits communs ont également été rapprochés depuis quelques années ». « Cet investissement du gouvernement dans ce dossier, et la satisfaction des demandes de rapprochement des condamnés corses sont un geste fort dans l’intérêt des liens familiaux réclamé par l’ensemble des élus », a précisé le garde des Sceaux qui s’est dit « frappé de l’unanimité qui se dégage sur cette question ». A plusieurs reprises, Michel Mercier a insisté sur la nécessité que la détention de toute personne condamnée se déroule dans les meilleures conditions avec le maintien des liens familiaux afin que la réinsertion s’effectue plus sereinement.

Les nationalistes absents

Mais ce contentement n’est guère partagé par les partis nationalistes et les associations de soutien aux prisonniers corses incarcérés sur le continent. « Le compte n’y est pas », a tempêté Dominique Tafani, porte-parole de Sulidarità lors d’une conférence de presse quelques jours avant la venue du ministre devant la prison de Casabianda. Les groupes nationalistes élus à l’Assemblée territoriale, Corsica Libera et Femu a Corsica, ont choisi de boycotter le déjeuner organisé avec le ministre à la préfecture d’Ajaccio pour témoigner leur désaccord. « Les rapprochements particulièrement limités de ces dernières semaines, l’action symbolique des détenus de Fresnes, les conditions matérielles de cette rencontre, l’absence totale de lisibilité politique participent d’un contexte global que nous réprouvons et dont l’Etat porte l’entière responsabilité », avance le groupe Femu a Corsica pour justifier son absence. Les nationalistes modérés refusent que « la question douloureuse et récurrente des détenus corses (soit) abordée à la sauvette, durant des agapes, sans réunion de travail ni calendrier précis » et rappellent qu’ils demeurent « résolument attachés au dialogue et au principe d’une solution politique négociée, dont le sort des détenus reste l’une des pierres angulaires ». Corsica Libera soutient qu’aborder la problématique du rapprochement des détenus corses en fonction uniquement du respect de la loi et non sous l’angle politique s’avère être simpliste et ne correspond pas à leurs attentes.

Quelles places ?

Les inquiétudes principales portent non seulement sur la lenteur de l’exécution des engagements de l’Etat mais aussi sur la capacité d’hébergement des prisonniers inévitablement réduite avec les travaux de la maison d’arrêt d’Ajaccio. Quand la réfection débutera, les détenus ajacciens seront transférés à la prison de Borgo, voire dans les centres pénitentiaires sur le continent. Une période transitoire qui affectera le processus de rapprochement et l’absence de calendrier s’impose comme un écueil supplémentaire. Aux 53 places d’Ajaccio – qui accueille aujourd’hui 68 personnes – s’ajoutent les 241 places de Borgo, dont 17 sont réservées aux femmes et 11 aux mineurs, ainsi que les 194 places de Casabianda. Cet établissement ouvert de la côte orientale, reconnu pour son l’organisation et le fonctionnement uniques ainsi que sa vocation agricole, est destiné aux délinquants sexuels. Nombreux sont ceux qui aimeraient que s’opère une réaffectation de ce centre de détention en faveur des prisonniers corses. « On ne pourrait plus nous objecter un manque de place et si les conditions de détention y sont si confortables, autant que cette prison profite à nos prisonniers politiques condamnés à de longues peines », souffle un militant.

M.K

Répondre à cet article