Accueil du site > Societe > Un juge qui gêne
 

Un juge qui gêne

jeudi 9 février 2012, par Journal de la Corse

Le juge espagnol Baltasar Garzon comparaît devant la justice espagnole pour avoir voulu enquêter sur le sort des disparus du franquisme durant la guerre civile. Il est poursuivi par deux associations d’extrême droite, pour avoir enfreint la loi d’amnistie votée en octobre 1977, deux ans après la mort de Francisco Franco, qui était censée imposer un pacte du silence sur les années noires de la Guerre civile (1936-39) et de la dictature (1939-75).

Le juge Garzon, suspendu de ses fonctions depuis mai 2010, risque une interdiction d’exercer de 20 ans au maximum. Une telle sanction mettrait un point final à la carrière de ce magistrat courageux qui avait fait arrêter en 1998 à Londres l’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet. Le magistrat avait déjà comparu le 17 janvier pour un premier procès dans lequel il est accusé d’avoir ordonné des écoutes illégales. Il lui a été reproché par les uns ses instructions contre les soutiens de l’ETA (notamment Batasuna) par les autres ses actions en justice contre les commandos de tueurs du GAL qui, sous le gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez, exécutèrent en France comme en Espagne de nombreux Basques indépendantistes. Il s’est également attaqué à la corruption financière et aux « trucages » des matchs de football. Les fascistes espagnols lui ont toujours reproché son militantisme de jeunesse à l’extrême gauche. Décidé à dénoncer le mal où qu’il se trouve, Garzon avait décidé en 1993 de débuter une carrière politique au sein du PSOE afin de lutter de l’intérieur contre la corruption pratiquée par des socialistes. Mais constatant combien ses efforts étaient vains, il avait, après quelques années, quitté le PSOE pour en revenir au droit.

Se battre contre l’oubli

Saisi en 2006 par des associations de défense de victimes de la guerre civile, il avait tenté de faire la lumière sur le sort de 114.000 disparus. Puis il avait renoncé deux ans plus tard face à l’opposition du parquet soutenu par les organisations d’extrême-droite. Aujourd’hui le parquet a reculé demandant que l’accusé Garzon soit blanchi, estimant que sa tentative d’enquête ne justifiait pas les poursuites. De multiples organisations des droits de l’Homme, dont Amnesty International et Human Rights Watch, se sont mobilisées pour le soutenir, dénonçant un "lynchage" judiciaire. Des manifestations ont réuni des milliers de personnes afin de le soutenir. Artistes, représentants syndicaux et responsables politiques de gauche ont ouvert le cortège avec une grande banderole portant le slogan "Solidaires avec Garzon. Contre les crimes du franquisme". Le juge a trouvé à ses côtés l’ancien procureur du TPI Carla del Ponte qui instruisit notamment les poursuites contre les génocidaires serbes, croates et bosniaques. En tout état de cause, le juge Garzon vient de gagner une première bataille : l’Espagne ne peut plus ignorer les crimes du franquisme malgré la loi d’amnistie de 1977. C’est devenu un sujet majeur dans une Espagne plongée dans une crise majeure qui rappelle celle des années 30 et qui fut le prélude du coup d’état mené par le général Franco contre la toute jeune république espagnole. Il est bon aujourd’hui qu’un juge ose outrepasser la légalité pour rappeler qu’il existe aussi une légitimité : celle des victimes et celle de l’histoire.

GXC

Répondre à cet article