L’édito d’Aimé Pietri
Il ne s’agit pas de météo alarmante ni d’imprévisibles caprices climatiques capables de pourrir un été en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. De ces conditions-là on pourrait, à la rigueur, s’en accommoder même si la petite laine ne fait pas tendance dans ce pays. Mais d’autres facteurs, moins naturels, peuvent affecter la belle saison, au point de la rendre invivable. Voyez les villages en cette fin juillet, à l’heure où les Corses de l’extérieur, ont rouvert les volets restés clos depuis le dernier été et s’en vont sous les platanes, ou les châtaigniers, au comptoir des bars, s’il en reste, nous rebattre les oreilles d’indéfinissables récriminations, puisées aux sources de la nostalgie, où il est question du banc sur lequel venait faire une petite sieste l’arrière grand-père, qui a été arraché par un bulldozer de passage et jamais plus remis en place, de la chapelle qui tombe en ruine sans que personne s’en émeuve ou des chansons qu’ils aimaient mais qu’on ne chante plus. Et ce n’est pas tout. Les villages aujourd’hui résonnent d’autres zizanie Et voici que les uns « tirent la tronche » aux autres sans raison apparente et que la moindre conversation de bistrot tourne à la vocifération alors que l’on n’en finit pas de taper du poing sur le zinc pour appuyer des convictions si peu convaincantes. Tout çà est de nature à gâcher les vacances de qui ne veut pas se mêler de ces guérillas d’occasion mais dont il doit, malgré lui, supporter les éclats. Et s’il reste à la ville il n’est guère mieux servi, puisque là aussi l’agression verbale est de mise. Un seul espoir, partir à l’étranger, dans des pays où ne connaissant pas la langue on évite d’être pris à partie. Oui, mais l’été corse est si agréable que de le pourrir ainsi confine à l’abomination.