Un afflux touristique sans précédent, des prix de denrées alimentaires qui flambent, des assassinats qui ponctuent chaque débat sur la violence : la Corse ne change guère au fil des ans mais elle s’enfonce tout doucement dans un long sommeil.
Une hausse des prix due à la spéculation des grandes surfaces
La Corse est habituée à ce que les enseignes fassent valser les prix lorsqu’arrive la vague touristique. Hier Carrefour prenait la tête de cette sinistre course à l’échalote. Mais aujourd’hui, toutes les marques se valent. Un rapport de l’Observatoire des prix et des marges sur les produits agricoles épingle à propos les pratiques des grandes surfaces au niveau national. Selon le document, supervisé par l’économiste Philippe Chalmin, elles appliqueraient des hausses de prix injustifiées et c’est un euphémisme. Le rapport, dirigé pourtant par un économiste libéral, juge ainsi que les distributeurs réalisent des profits trop importants sur certains produits et leur reproche de ne pas répercuter dans les étals les variations de prix à la production, notamment lorsque la flambée se stabilise. Ces dix dernières années, la marge des distributeurs n’a cessé d’augmenter sur des denrées comme les fruits, les légumes et la viande. Ainsi, les grandes surfaces prendraient par exemple sur la viande de porc une marge bénéficiaire de 50%. Qui dit mieux ! Cela rappelle la spéculation par temps de guerre. Parallèlement, la majorité des producteurs voient leurs revenus baisser. Face à ce constat, et bien que la grande distribution conteste en bloc les conclusions de ce rapport, l’association Que Choisir a appelé hier les parlementaires à davantage encadrer les marges des grandes surfaces, notamment lors des variations des prix agricoles. Or on constate que de telles pratiques sont aggravées par le jeu de la bourse qui désormais spécule en masse sur les aliments premiers. Leclerc, en arrivant en Corse, s’était vanté de « moraliser » le marché. Cette enseigne n’a fait que s’inscrire dans un paysage hélas sinistré pour le consommateur et plus encore pour les plus défavorisés.
La violence, encore la violence toujours la violence
Que serait la Corse sans la violence ? On finit par se le demander. Il suffit désormais d’organiser un débat sur ce thème pour que dans les jours qui suivent la triste actualité se charge de démontrer que les paroles, aussi belles soient-elles sont totalement inutiles face à des mœurs qui durent depuis des siècles voire des millénaires. Le récent assassinat d’un militant nationaliste a donné à Jean Guy Talamoni, bien silencieux ces derniers temps, l’occasion de répéter un discours qui semble aujourd’hui celui d’un vieillard perdu dans les nimbes d’une jeunesse lointaine : l’assassinat de ce militant incomberait à l’état. Je ne connais rien de cette affaire et parce que je crois à la présomption d’innocence, je me garderai d’émettre la moindre opinion sur ce drame et encore moins de salir la malheureuse victime. Mais enfin, affirmer tout de go que l’état est pour quelque chose dans cette histoire tient du délire politique. Et pourquoi pas Dieu pendant qu’on y est. Les nationalistes qui ont approuvé et qui continuent d’approuver la violence sont en partie responsable de ce qui arrive. Certes l’état a sa part de responsabilité dans les errances de notre société. Mais lorsqu’on se prétend la pythie de la Corse, on assume ses responsabilités en évitant ce lamentisme dégoulinant. Celui qui vit par la violence prend le risque d’être un jour victime de la violence. Je crois surtout que l’explosion immobilière qui touche notre île aiguise des appétits qui vont beaucoup tuer dans les mois à venir. D’autant que la situation est marquée par la disparition des seigneurs de guerre anciens. Une jeunesse délinquante, fortement inspirée par ses aînés, affirme aujourd’hui ses droits sur les territoires hier tenus par les voyous ou les clandestins. Et l’état n’a rien à voir là-dedans à moins que Jean Guy Talamoni n’ait voulu lancer un appel à une meilleure répression ce qui serait tout de même le comble.
En Corse comme ailleurs
Je voudrais en conclusion noter un rapport de la cour des comptes européennes qui épingle sévèrement le détournement des subventions agricoles en France. Rappelons-nous les années 90 : la Corse était clouée au pilori pour quelques centaines de vaches fantômes. La France y voyait là le signe de notre perversité intrinsèque. Eh bien il semblerait que l’hexagone tout entier s’adonnait à ce sport. Clubs sportifs, compagnies ferroviaires, aéroports, camping, écoles ou même parc naturel : des personnes ou des entreprises n’exerçant aucune activité agricole perçoivent ainsi encore des subventions destinées aux agriculteurs, alors que la Commission européenne envisage un gel des subventions de la Pac (Politique agricole commune) à l’horizon 2014. Les subventions en cause, dites RPU (Régime de paiement unique) disposent d’une enveloppe globale de 31,5milliards d’euros. Elles sont distribuées dans dix sept États de l’UE dont la France, premier pays bénéficiaire de cette aide. La Cour a ainsi identifié des bénéficiaires individuels recevant des aides d’un montant allant de plusieurs centaines de milliers à plus d’un million d’euros par an sans exercer aucune activité agricole sur leurs terres. Parmi ces nouveaux bénéficiaires, l’audit a de plus permis d’identifier des investisseurs ayant acheté, pour spéculer, des droits au paiement (parfois de grande valeur). Activés sur des terres de faible valeur, ces droits leur ont permis d’assurer un rendement très attractif à leurs investissements. Mais que font les journalistes continentaux ? Où sont-ils ces pourfendeurs de la Corse qui hier nous vouaient aux gémonies au nom d’une morale absolue ? Le silence, rien que le silence.
GXC