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Un concert de langues de bois

jeudi 6 décembre 2012, par Journal de la Corse

Les déclarations des ministres Valls et Taubira n’ont pas rassuré les Corses habitués aux grandes déclarations en matière de sécurité et jamais suivies d’effets. Les deux membres du gouvernement ont fait étalage de mesures en grandes parties existantes. Ils ont parlé d’une meilleure organisation des structures judiciaires et répressives sans jamais mettre le doigt où ça fait mal : la guerre des polices et le dépaysement systématique des dossiers insulaires.

Un discours attendu et sans surprises

Il est toujours surprenant de noter à quel point nos femmes et hommes politiques manquent d’imagination mais aussi de conseillers fiables de façon à ce qu’ils parviennent à tenir des discours en prise avec la réalité. De quoi souffre la Corse ? D’un problème culturel… c’est évident. La violence n’existe pas depuis une génération mais depuis des siècles. Nous avons donc un examen de conscience à faire quant à l’éducation de nos enfants et la façon dont nous gérons nos propres affaires. Mais cela ne fait pas de nous des mafieux et des omertistes. D’ailleurs le ministre Valls dûment repris par les socialistes a effacé de son langage les termes de mafia et d’omertà. Il est vrai que cela commençait à devenir insultant : les assassinats à Marseille suscitaient douleur et compassion tandis que la Corse était globalement montrée du doigt comme terre mafieuse. Il est vrai que le conseil général des Bouches du Rhône est dirigé par un socialiste quand bien même la situation de la cité phocéenne s’apparente réellement à une situation mafieuse autrement plus dangereuse que celle qui sévit en Corse. Le deuxième mal qui nous affecte est l’incapacité de l’état à mener une politique rigoureuse mais juste sur le long terme. La Corse est à la fois une des zones les plus excentrées de la République mais aussi les plus concernées par les tripatouillages d’état. Le résultat est une constante guerre des polices, une incapacité à gérer un désordre somme toute mineur si on le compare à celui qui règne dans les cités des banlieues et les mégalopoles continentales. Ou alors il faut avouer que la cinquième puissance mondiale bat en retraite devant quelques dizaines de malfrats. Enfin, l’hypercentralisation française empêche la Corse d’être placée devant ses propres responsabilités. On ne dira jamais assez les conséquences désastreuses du dépaysement systématique des dossiers les plus graves vers la JIRS de Marseille ou l’anti-terrorisme parisien. Et qu’on ne vienne pas nous parler d’efficacité. En matière de lutte contre le grand banditisme elle est nulle. Quant au combat contre le "terrorisme" j’ai tendance à croire que c’est l’évolution de la situation nationale et européenne qui assèche le terrain favorable à la lutte clandestine plutôt que les quelques dizaines d’arrestations opérées au fil des ans. L’IRA et bientôt l’ETA ont rendu ou vont rendre les armes tout simplement parce que le libéralisme économique présuppose une plus grande liberté pour les territoires et cela en bien comme en mal. La Corse ne tardera pas à suivre le mouvement. Pour toutes ces raisons, les paroles prononcées par les ministres ont été décevantes et en deçà de ce qui aurait pu être dit.

Ce qui aurait pu ou dû être dit

Madame Taubira aurait dû dénoncer la réalité d’une magistrature locale pauvre et dénudée au profit de la JIRS de Marseille. Monsieur Valls aurait dû s’indigner de l’intrusion systématique dans les affaires en cours de policiers de la DCRI et hier des renseignements généraux. Cette attitude a été responsable d’une partie des assassinats perpétrés dans le sud de l’île. Elle est au cœur de l’affaire de la SMS comme elle accompagnait la montée en puissance de certains membres de la Brise de mer contre d’autres. Il aurait pu au passage glisser quelques mots sur l’insupportable guerre des polices qui affaiblit l’état face au grand banditisme. Le juge antiterroriste Thiel a dénoncé les faits et gestes d’un officier de la DCRI directement impliqué dans l’affaire de la SMS et d’autres situations troubles. Hier, un autre policier aujourd’hui décédé se retrouvait agent traitant de voyous, de nationalistes aujourd’hui disparus. Est-ce bien normal ? Est-ce bien moral ? La suspicion née d’une telle confusion a vraisemblablement dicté l’attitude des juges de la JIRS dans la suite des affaires criminelles. La Corse apparaît ainsi comme un champ de foire où policiers appartenant à diverses factions règlent leurs comptes comme à l’époque de l’assassinat Erignac. Rien de changé sous les cieux. C’est désespérant. Que policiers et magistrats commencent par respecter les règles qu’ils prétendent imposer à la société et ils verront les citoyens se lever pour dire non à ce cancer. Aucun Corse si ce n’est une infime minorité n’a intérêt à ce que le grand banditisme violente notre société comme il le fait. Nous pouvons, nous devons aider la justice à la condition qu’elle devienne digne de la confiance des citoyens au nom desquels elle agit. Tel était le message que nous attendions de la part des ministres. Au lieu de cela, nous avons assisté à un concert de langue de bois hélas attendu. C’est dire que toute réussite à venir sera une divine surprise.

GXC

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