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TVA sociale Les pauvres vont enfin maigrir !

jeudi 12 janvier 2012, par Journal de la Corse

Avec la réforme qui transformera la TVA en outil social, une hausse générale des prix contraindra les pauvres à consommer moins ou mieux.

Si vous poussez comme moi le caddy de l’hypermarché, vous l’avez sans doute constaté : très fréquemment, plus les clients sont mal habillés, ont le verbe haut et peu maniéré, et ont l’air fatigué et le teint cireux, plus ils sont gras. Cela vaut aussi pour une partie de la marmaille qui, le plus souvent, les accompagne en se manifestant bruyamment. En outre, leurs caddies sont généralement emplis de chips, de sodas, de conserves et de gâteaux à haute teneur en sucre et en graisse. Selon une de mes voisines qui, elle, suçote des légumes crus et émincés en trempant ses lèves tous les jeudis dans un verre de Chablis au bar à la mode de la place du Marché à Bastia, tout cela relève d’une logique aveuglante. A l’en croire, les pauvres sont obèses parce qu’ils mangent trop et très mal. De plus, précise-t-elle, leur régime alimentaire désastreux les rend malades et contribue au déficit de la Sécurité sociale. Enfin, conclut-elle, toute fière de son analyse de la pauvreté et envisageant peut-être d’en faire le fond de sauce d’un mémoire universitaire d’économie sociale, elle conclut que les pauvres sont toujours plus pauvres parce qu’en freinant la création d’emplois, le poids des charges sociales les condamne au chômage. Heureusement, assure-t-elle, tout devrait changer avec la énième réforme de Nicolas Sarkozy, qui transformera la TVA en outil social.

Pomme de terre bouillie et eau du robinet

En occasionnant une hausse générale des prix, cette réforme, si elle concerne effectivement tous les taux de TVA, contraindra les pauvres à consommer moins ou mieux. La pomme de terre bouillie remplacera les chips. L’eau du robinet supplantera le soda. Les pâtes premier prix à la margarine seront substituées aux conserves. Le quignon de pain rassis l’emportera sur le gâteau. Ce qui, au sein des catégories sociales défavorisées, réduira les conditions favorables à l’obésité et assurera un accès direct à la bonne santé. On pourrait même espérer que la TVA sociale, en provoquant une nouvelle hausse des tarifs du gaz et de l’électricité, incite les pauvres à faire de la gymnastique rythmique pour se réchauffer, ce qui les ferait mincir encore davantage et leur éviterait de mijoter dans l’environnement propice à la propagation microbienne que constituent les appartements surchauffés. Naturellement, cette évolution des choses ira aussi dans le sens très positif d’un comblement du « trou de la Sécu ». Ce qui devrait d’ailleurs aussi profiter aux pauvres car ils sont les principaux bénéficiaires des prestations, même s’ils s’obstinent à bouder les cures thermales pour cause de refus d’observer des régimes draconiens ou de faire de l’exercice dans des villes reculées de province. Ils préfèrent, c’est bien connu, laisser les riches affronter ces terribles épreuves. La TVA sociale sera source d’autres bienfaits. Ainsi, en autorisant une réduction des charges sociales pesant sur les entreprises, elle facilitera la création d’emplois, ce qui donnera du travail aux pauvres. Il se pourrait même qu’une extension des réductions de charges à la part salariale et non seulement à la part patronale, détermine une augmentation du SMIC. Mais, s’interroge ma voisine qui soudain cède à un léger doute, ce bienfait pourrait s’avérer contre productif. En effet, une hausse des salaires inciterait les pauvres à consommer. Ce qui, vous l’avez compris, hypothèquerait les progrès potentiels précédemment énoncés. Se reprenant, mon interlocutrice suggère que Nicolas Sarkozy, en son infinie sagesse, réservera la réduction de la part salariale des charges sociales aux salaires dépassant au moins trois fois le SMIC. Si d’aventure il ne le fait pas, la France pourra se mordre longtemps les doigts que son président n’ait pas lu, au moins une fois, le Journal de la Corse, et plus précisément le présent numéro.

Alexandra Sereni

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