Veolia laisse filer
VEOLIA ne parait guère fâché de la mauvaise tournure prise par les événements. L’idée d’une transformation de la SNCM en compagnie maritime régionale Corse ou interrégionale Corse / PACA fait son chemin.
Une page a été tournée. La SNCM ne sera jamais plus comme avant pour au moins quatre raisons. La première est que, malgré le préjudice occasionné aux transporteurs et au secteur touristique, la Corse n’a pas été coupée du monde. Les grévistes n’ont pu durablement bloquer les ports. Corsica Ferries et La Méridionale ont permis le maintien d’un trafic Corse / Continent plutôt convenable. La deuxième raison est que l’actionnaire principal VEOLIA ne parait guère fâché de la mauvaise tournure prise par les événements. En effet, bien que n’ayant pas tenu les engagements pris de relancer commercialement la SNCM et moderniser sa flotte, bien qu’ayant vendu le NGV Liamone qui assurait les liaisons Nice / Corse, et bien que perdant 200 000 € par jour de grève, VEOLIA, en la personne de Marc Dufour, le directeur général de la SNCM, soutient que le volume d’emplois des marins serait maintenu et renvoie la « patate chaude » dans le camp de l’Office des transports qui se garde bien de s’en emparer. La troisième raison est que l’actionnaire Etat joue les Ponce Pilate et s’en tient à maintenir ouverts les ports en usant fermement de la force publique. La quatrième raison est que l’idée d’une transformation de la SNCM en compagnie maritime régionale (ou bi-régionale Corse / PACA), fait son chemin. Lassés par la multiplication de grèves portant atteinte à l’économie corse, exaspérés par un actionnaire n’ayant pas tenu ses engagements et voulant en finir avec l’immobilisme de la majorité territoriale, de l’Assemblée de Corse et de l’Office des transports, plusieurs acteurs syndicaux ou politiques sont montés au créneau en ce sens.
Une alternative difficile
Certes, nous l’avons récemment écrit, l’alternative portant création d’une compagnie régionale ou interrégionale ne serait pas exempte d’énormes difficultés. Cette perspective ne semble guère séduire la plupart des élus régionaux de PACA. Le président du directoire de la SNCM, Gérard Couturier, affirme que VEOLIA n’est pas vendeur. Le fait que les personnels embarqués soient bien plus nombreux sur les navires de la SNCM que sur ceux de la concurrence, révèle l’épineuse question sociale que représenterait toute tentative de rationnaliser la gestion d’une compagnie régionale. La seule utilisation de cargos mixtes dans le cadre du service public provoquerait une réduction de la flotte, de la masse salariale globale et du nombre de sous-traitants locaux. Frédéric Alpozzo, le responsable CGT-Marins SNCM, ne dit d’ailleurs pas autre chose quand il déclare : « Comment les Régions pourraient-elles assumer les emplois et les navires les moyens ? Cette solution est irréaliste sauf au prix d’un cataclysme social ». Les réalités budgétaires exigeraient que la compagnie régionale se borne à desservir quotidiennement Bastia et Ajaccio. Enfin, il faudrait obtenir de l’Union Européenne une belle dérogation pour que la dure loi du marché ne soit pas applicable dans le cadre de l’attribution de la délégation de service public. Pourtant, Paul-Marie Bartoli, le président de l’Office des transports ne rejette plus l’éventualité d’une compagnie régionale ou interrégionale. Camille De Rocca Serra se déclare pour sa part « favorable à une étude sur la Compagnie Régionale ».
Un consensus en gestation
Tous deux font ainsi un pas vers le STC, mais aussi vers les indépendantistes, les autonomistes et les socialistes de la Haute-Corse, qui tous revendiquent la création d’une compagnie interrégionale Corse / PACA. En effet, ces acteurs militent pour en finir avec une SNCM relevant de l’Etat ou de VEOLIA. Corsica Libera se prononce pour une compagnie régionale corse dotée d’une flotte de cargos mixtes. Femu a Corsica préconise « de commencer au plus vite l’étude sérieuse et approfondie de la possibilité de création d’une compagnie maritime insulaire » Le Parti Socialiste de Haute-Corse et le STC vont même très loin dans la préconisation. Les socialistes énoncent des propositions dont les principales sont : la négociation avec l’Union Européenne d’une dérogation dispensant les régions insulaires de soumettre à la concurrence les services publics maritime et aérien les reliant au Continent ; la création, à partir du rachat du capital majoritaire détenu par VEOLIA, d’une compagnie interrégionale (PACA, Corse) ou régionale (Corse) ; la concentration quotidienne du service public sur Bastia / Marseille et Ajaccio / Marseille en utilisant des cargos mixtes ; le redéploiement des car-ferries sur le secteur concurrentiel (Corse / ports français, Corse / Italie). On peut noter que ces propositions et celles du STC apparaissent très conciliables. Le syndicat corse rappelle avoir défendu, dès 1986, l’idée que la Corse devait « maîtriser pleinement ses transports extérieurs » et déplore qu’en 2005, la CGT ait préféré la vente de l’entité publique SNCM à la multinationale VEOLIA. Il se prononce pour « la bi-régionalisation de la compagnie » et souhaite « voir les compagnies SNCM et CMN, revenir dans le giron public ». D’où la demande que « les collectivités de Corse d’une part, et de PACA d’autre part, entrent de manière majoritaire dans le capital des 2 pôles (Corse et Réseau Libre) de la SNCM.
Pierre Corsi