En faisant adopter le principe d’une réouverture de la ligne de chemin de fer de la Plaine orientale, la majorité territoriale a fait le bon choix. Reste à surmonter le problème du financement. Réponse dans les urnes.
Les conseillers territoriaux ont, lors de la dernière session de l’Assemblée de Corse, adopté à l’unanimité le principe de la reconstruction de la ligne de chemin de fer de la Plaine Orientale. L’expression de cette volonté commune de développer vraiment le transport ferroviaire est une décision à la fois majeure et bénéfique. En premier lieu, elle représente une véritable rupture avec les logiques corporatiste et individualiste du transport routier et du tout-automobile qui ont, depuis 1945, prévalu dans l’île. Il convient en effet de se souvenir que le train a déjà parcouru la Plaine orientale. De nombreux bâtiments et emprises en attestent d’ailleurs encore entre Casamozza et Porto-Vecchio. Cette desserte ferroviaire a été opérée selon plusieurs étapes. Une première section a, dès 1888, relié Casamozza à Ghisonaccia. En 1930, le train a fait son entrée à Solenzara. En 1935, il a desservi Porto-Vecchio. La section Porto-Vecchio/Bonifacio n’a jamais été réalisée. Il importe aussi de savoir que, contrairement aux affirmations consensuelles, la ligne de la Plaine orientale n’a pas été fermée à cause de dégâts considérables causés par les sabotages de l’armée allemande en 1943. D’ailleurs, la section Casamozza/Folelli-Orezza est restée exploitée jusqu’en 1953. La réalité est que le lobby des transporteurs routiers a, entre 1945 et 1960, persuadé la plupart des élus d’aller à l’encontre de la remise en état de la ligne de chemin fer de la Plaine orientale et même failli obtenir la fermeture de l’actuel réseau (Ajaccio/Bastia, Ponte-Leccia/Balagne). Le train n’a dû alors son salut qu’à une formidable mobilisation populaire intervenue au début des années 1960. Mais la logique du tout-automobile étant alors dominante, il aura fallu attendre encore près de 40 ans pour que soit actée et mise en œuvre une dynamique de relance et de modernisation du transport ferroviaire.
Croisons les doigts
A partir du début des années 2000, en tant qu’autorité organisatrice des transports ferroviaires, la Collectivité Territoriale a consenti d’importants efforts pour moderniser les voies, les bâtiments d’exploitation et le matériel roulant. Cette modernisation s’est faite dans la douleur malgré l’apport financier du PEI (Programme exceptionnel d’investissement) destiné à « aider la Corse à surmonter les handicaps naturels que constituent son relief et son insularité et à résorber son déficit en équipements et services collectifs ». Il aura fallu attendre la fin de l’année passée pour qu’entrent en service de nouvelles rames et, aujourd’hui encore, la totalité de celles-ci n’est pas encore opérationnelle, ce qui retarde une augmentation des fréquences et une réduction des durées de trajet. La majorité territoriale élue en mars 2010 a toutefois affirmé le choix de développer l’offre de transport ferroviaire selon une stratégie de développement durable et trois orientations : mettre le train au service du développement économique et touristique, faciliter le déplacement des habitants entre et dans les centres urbains, acheminer davantage de marchandises. En défendant et faisant adopter le projet de réouverture de la ligne de la plaine orientale, elle vient de confirmer ce choix. Reste à surmonter le problème du financement. Il est probable qu’une accession de la gauche aux responsabilités à l’issue des élections présidentielles et législatives y aiderait. En effet, la gauche étant bien plus favorable au financement de grands équipements structurants et aux transports collectifs que la droite, la Collectivité territoriale pourrait espérer voir, pour peu qu’elle le demande avec énergie et un dossier bien ficelé, le PEI abondé en faveur du train. Croisons les doigts.
Alexandra Sereni