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Tour de table à propos d’une violence quotidienne

jeudi 15 décembre 2011, par Journal de la Corse

Qu’il serait bon une semaine, une semaine au moins d’éviter dans cette chronique les sujets tragiques, ceux qui traitent de la mort ou de la délinquance. Hélas, trois fois hélas, l’actualité nous mord à la nuque au point qu’un article rendu le jeudi est souvent obsolète le jeudi suivant. Cependant, au fil des mois et des années il est une permanence, celle des victimes de quelque bord qu’elles viennent.

Le sénateur Hibernatus

Nicolas Alfonsi est un homme du siècle dernier et il ne cherche guère à échapper à son époque. Sorte d’Hibernatus de la politique locale, il se réveille par instants et quelque soit la situation lance un appel vibrant à la répression et tressant les louanges de la juridiction d’exception, la JIRS. Il s’est récemment adressé au ministre de l’intérieur, le sinistre Guéant pour exiger de la répression, encore de la répression et toujours de la répression comme si la Corse était exempte de ce mal nécessaire. Au passage ce demi-solde de l’état fort, s’en est pris aux droits de l’hommistes, expression consacrée par l’extrême-droite raciste et adepte d’un retour aux méthodes de la bataille d’Alger. Libre au sénateur Alfonsi d’ainsi tracer une ligne bien visible entre un ministre de l’intérieur obsédé par l’étranger et une aversion franche pour ce qui touche aux droits de l’homme. Il est tout simplement regrettable que le sénateur Alfonsi oublie que les droits de l’homme sont le socle même de la république française dont il se réclame à tout bout de champ. Il est tout aussi regrettable qu’il n’est pas un mot pour les victimes de quelque origine qu’elles soient mais se serve de la violence politique tout simplement parce que c’est là son fonds de commerce. Et puis, tout de même, le sénateur Alfonsi, se réclame encore un tout petit peu de la gauche. Il serait bon qu’il s’intéresse de temps en temps aux luttes sociales de sa propre île. Mais il est vrai qu’à l’impossible nul n’est tenu et que les figures de cire ne partagent pas les tourments des êtres de chair et de sang.

Le préfet et la violence

Monsieur le Préfet s’est exprimé lors de l’émission Cuntrastu. On ne peut guère demander au représentant de l’état de manier autre chose que la langue de bois et d’exprimer une opinion plus nuancée que celles de ses supérieurs. Or, en réponse au sénateur Alfonsi qui a paru étrangement satisfait de la réponse, la ministre Valérie Pécresse, qui remplaçait ce jour-là le sinistre Guéant, a tout de même osé affirmer qu’en Corse la politique de maintien de l’état perdurait concluant son propos insipide d’un « Les résultats sont là ». 22 homicides (plus cinq tentatives) pour 2011 sans oublier le racket qui se généralise dans l’île entière. Drôles de résultats même s’il faut redire que c’est aussi aux Corses de se prendre en main et d’arrêter de toujours demander à l’état ce qu’ils ne sont pas capables de s’imposer. Un point d’accord pourtant lorsque le préfet s’indigne du fait que la Corse serait devenue la seule région d’Europe où la peine de mort aurait été rétablie par la volonté du FLNC. Il faut rappeler que l’Ira et l’Eta ont renoncé à la violence. Peut-être est-ce aux représentants du mouvement nationaliste légal de prendre leurs responsabilités comme l’ont fait les militants légaux du mouvement basque.

Au nom des victimes

Les assassinats sont la partie émergée de notre violence insulaire. Mais il en est une autre, plus insidieuse parce que souvent masquée par les victimes elles-mêmes : le racket. J’ai déjà écrit à de nombreuses reprises le dégoût que me provoquait de telles pratiques que j’assimile à une forme de viol. C’est en tous les cas une délinquance de lâches qui joue sur la faiblesse de leurs proies. Il est aujourd’hui démontré que pour combattre de telles pratiques, la solution est unique et exige du courage : il faut porter plainte, oser traîner ses bourreaux devant les tribunaux. Autrefois, nos pères savaient faire la différence entre le brave homme qui tuait parce qu’il estimait son honneur atteint (ce qui n’est évidemment pas une solution) et celui qui tuait pour l’argent. On désignait ce dernier un percepteur, un racketteur, un parcittori. Aux yeux des Corses, ils valaient à peine la balle qui mettait fin à leur odieux commerce. Crise économique aidant, certains jeunes et d’autres moins jeunes se sont lancés dans ce crime qui, à l’heure actuelle, n’est que correctionnalisé. Les risques sont donc mineurs. Or la société corse, comme la société méditerranéenne en général, est sujette à ce type de crimes. En Italie on l’appelle u pizzu. C’est la part que la mafia prélève sur les entreprises les mettant souvent en péril de mort. Aujourd’hui en Corse, un grand nombre d’entrepreneurs sont victimes de racket comme le sont des particuliers. Il est de l’honneur de la Corse de mettre fin à ces menées en commençant par marquer une désapprobation de masse.

GXC

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