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Toilettage aujourd’hui, grandes manœuvres demain ?

jeudi 16 juin 2011, par Journal de la Corse

Conseil executif

Demain ou après-demain, dans une situation de fortes divergences au sein d’une majorité, si une partie de celle-ci souhaite renverser la table des alliances, le toilettage favorisera assurément ce dessein.

Le toilettage du statut du Conseil exécutif est sur la bonne voie. L’opération est menée de main de maître par Pierre Chaubon. Les préconisations de la Commission des compétences législatives et réglementaires dont il assure la présidence, ont fait l’unanimité lors de la dernière session de l’Assemblée de Corse. Les 51 conseillers ont voté en faveur du rapport relatif à la proposition de modification et d’actualisation du statut du Conseil Exécutif. Le toilettage comprend deux dispositions majeures qui entreront en vigueur dès leur publication au Journal Officiel. La première est qu’un conseiller exécutif pourra retrouver son mandat de conseiller à l’Assemblée de Corse s’il ne siège plus au Conseil exécutif. La seconde est que le Conseil exécutif pourra rester en place même si son président n’en fait plus partie. La première de ces dispositions n’est pas mineure. Elle met fin à un cadre juridique et politique qu’avait voulu Pierre Joxe lors de la création de la Collectivité territoriale. En effet, dans le cadre de la loi du 13 mai 1991 portant statut particulier de la Collectivité Territoriale de Corse, il avait été prévu qu’un membre du Conseil exécutif ne pourrait pas retourner siéger à l’Assemblée de Corse. Pierre Joxe avait poussé à cette rigidité institutionnelle au nom de la stabilité politique. En effet, interdire le retour des conseillers exécutifs au sein de l’Assemblée de Corse, incitait ceux-ci à se montrer solidaires et volontaires pour que le Conseil exécutif reste en place et fonctionne. Ce qui a permis - depuis la mise en place effective de la Collectivité territoriale et malgré des Conseils exécutifs politiquement composites et comprenant des personnalités aux caractères voire aux ego plus que trempés - à toutes les équipes exécutives d’aller jusqu’au bout des mandatures. Pierre Joxe avait d’ailleurs encore renforcé la stabilité des Conseils exécutifs en imposant que l’éventuelle censure d’un d’entre eux par l’Assemblée de Corse, ne provoque la chute de ce dernier que si les opposants étaient en mesure de mettre en place une équipe exécutive alternative. Ainsi, jusqu’à présent, les verrous posés par Pierre Joxe faisaient que le Conseil exécutif était quasiment figé dans sa composition et en capacité de gouverner durablement avec une majorité relative. Faute de possibilité pour les opposants de s’accorder pour remplacer le Conseil exécutif, et même si les relations n’étaient pas au beau fixe entre la présidence de l’Exécutif et celle de l’Assemblée de Corse, les mécontents ne pouvaient, au plus, que manifester un esprit frondeur. Il n’en sera plus de même demain.

Nouvelles alliances et consensus

Le toilettage ouvre la voie aux remaniements ainsi qu’aux grandes manœuvres politiques. Après que ses dispositions soient entrées en vigueur, il sera plus facile de procéder à des remaniements pour au moins deux raisons. Premièrement : les membres du Conseil exécutif pouvant retourner siéger à l’Assemblée de Corse, leur éviction leur paraîtra moins pénible et les écarter apparaîtra moins cruel. Deuxièmement : les conseillers exécutifs auront la possibilité de démissionner tout en restant pleinement dans le jeu politique. La Collectivité Territoriale aura ainsi emboîté le pas à l’Etat qui permet désormais aux ministres remerciés, de retourner siéger à l’Assemblée Nationale ou au Sénat. Le toilettage pourrait aussi favoriser de grandes manœuvres politiques. Par exemple, si un président du Conseil exécutif et une partie significative de ses partisans aspirent à modifier les contours de la majorité ou à l’élargir, il leur sera plus aisé d’agir en ce sens. En effet, parce qu’ils pourront à nouveau siéger à l’Assemblée de Corse des conseillers exécutifs favorables à l’opération auront la possibilité de céder leur place à de nouveaux entrants, sans se mettre hors du jeu et sans que soit affaiblie leur faction. Avant le toilettage, les mêmes auraient perdu tout mandat et rien ne dit que les membres de leur liste qui les avaient remplacés lors de leur accession au Conseil exécutif, auraient apporté leur soutien à la nouvelle configuration majoritaire. Demain ou après-demain, dans une situation de divergences de fond au sein d’une majorité, si une partie de celle-ci souhaite renverser la table des alliances, le toilettage favorisera assurément ce dessein. En définitive, s’il paraît de prime abord fragiliser l’équipe exécutive en réduisant l’obligation de solidarité éternelle entre ses membres ou en l’exposant à des remaniements, le toilettage accroît ses opportunités d’initiative ou d’ouverture politique. Ce qui, il faut bien le dire, ne peut que convenir à l’actuel patron de l’Exécutif dont l’expertise en matière de tricotage d’alliances et de consensus n’est plus à démontrer. En votant pour le toilettage, certains ont assurément eu le courage de prendre le risque d’attraper le tournis.

Pierre Corsi

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