En Syrie ce n’est le printemps, même arabe, pour personne et cela vaut particulièrement pour les Chrétiens.
J’aurais certes voulu, en ces jours précédant Noël, traiter de sujets réjouissants. D’autant que la crise économique ambiante suggérait de relever des événements incitant à l’espoir ou à l’optimisme. Désolée, cela n’est pas possible. Le triste constat que la Syrie est devenue un champ de mort et de ruines, me conduit à ne pas achever 2012 dans la joie et la bonne humeur. Je me sens le devoir d’apporter ma modeste contribution à une réalité que l’on feint d’oublier car elle dérange : celle des Chrétiens syriens que menace la montée en puissance d’islamistes venus des quatre coins de la terre, et financés par ce bon Qatar, bienfaiteur du football et des banlieues. Rassurez-vous, je ne suis ni naïve, ni aveugle. Je n’ignore pas que le régime syrien en place est loin d’être une structure démocratique. Je sais aussi que, durant de nombreuses années, il a réprimé sans pitié les opposants. J’ai aussi en tête que, dans le passé, il a plus ou moins orchestré des campagnes d’attentats meurtriers hors de ses frontières. Mais tout cela ne saurait occulter que le pouvoir que souhaitent mettre en place certains « révolutionnaires » syriens affiliés aux pires mouvances islamistes, sera pire que celui de Bachar El Assad pour les Chrétiens et aussi d’autres minorités. En effet, la communauté chrétienne se retrouve tiraillée entre des aspirations démocratiques qu’elle partage, même si le régime en place l’a toujours ménagée, et la crainte de lendemains islamistes. Les chrétiens qui représentent environ 5% de la population syrienne sont comme un pot de terre pris entre deux pots de fer.
Une terre de Jihad
Le temps n’est plus où dans les rues des grandes villes syriennes, la révolution consistait en des foules désarmées bravant les balles des forces de sécurité pour réclamer du pain et des réformes politiques. Des combattants étrangers, débordant les premiers révolutionnaires qui avaient aussi pris les armes, font de la Syrie une terre de jihad. Des puissances régionales et mondiales soutiennent, par conviction ou intérêt, ces intégristes qui considèrent comme des ennemis, des traîtres ou des infidèles les partisans d’un règlement pacifique ou ceux qui souhaitent ne pas prendre les armes contre des compatriotes. Confrontés à la montée en puissance islamiste, les chrétiens syriens savent que, depuis les victoires de l’Islam intégriste, 200.000 chrétiens d’Irak ont du quitter leur pays et que les Coptes d’Égypte ont peur de l’avenir. Ils craignent que les insurgés les plus extrémistes, qui les présentent comme des alliés du régime baasiste, veuillent les exterminer ou les chasser. Des faits récents ont accentué leurs craintes. Le corps d’un religieux connu pour ses efforts de paix et de médiation humanitaire a été retrouvé dans la banlieue de Damas. Enlevé, il a été torturé avant d’être exécuté. Des cas d’enlèvements de chrétiens à des barrages rebelles sont rapportés. Des lieux de culte ont été saccagés par les insurgés. Pourtant, en Occident, rares sont les voix qui s’élèvent pour s’indigner. On préfère s’émerveiller de la lumière vacillante des dernières lampes à huile du Printemps arabe.
Alexandra Sereni