Sans céder sur son bon droit, il serait souhaitable que le SCB affirme et concrétise sa volonté d’être intraitable avec quelques casse-pieds qui ne lui font pas du bien.
Suite aux incidents qui, le 15 octobre, ont conclu la rencontre de football Bastia-Lens, le SCB ne pourra plus jouer à domicile durant au moins un mois. En effet, outre décider d’enquêter afin d’établir les responsabilités, la commission de discipline de la Ligue professionnelle de football a suspendu le stade Armand Cesari à titre conservatoire. Pour expliquer leur décision, ses membres ont invoqué la gravité des faits, des manquements du SCB dans l’organisation et la gestion de la sécurité au cours du match, et la multiplication des incidents depuis le début de la saison. Aussi, au moins jusqu’au 24 novembre, date à laquelle dirigeants lensois et bastiais seront invités à s’expliquer, le SCB devra jouer deux matchs à domicile loin de ses bases. Il va sans dire qu’il sera financièrement et sportivement pénalisé car il sera privé des recettes de la billetterie et des encouragements de ses supporters. Dès l’annonce de la suspension, les dirigeants du club, les associations de supporters ainsi que de nombreux acteurs politiques ont fait part de leur colère et dénoncé un ostracisme. Difficile de ne pas aller dans leur sens...
Le Parc n’a pas été suspendu
Il convient d’abord de relever que suspendre un stade avant qu’une sanction ait été prononcée, est une première dans l’histoire du football professionnel français. Même après la mort d’un spectateur suite à l’affrontement entre deux clans rivaux de supporters du PSG, le Parc des Princes n’avait pas été suspendu à titre conservatoire. Il avait seulement été décidé de faire jouer la rencontre suivante à huis clos. Le club parisien était donc resté dans ses murs. Aussi, le SCB peut à juste titre se considérer plus que maltraité car, s’il est regrettable que des violences se soient produites à la fin du match Bastia-Lens, elles sont loin d’avoir atteint le niveau de gravité que représente la mort d’un homme. De plus, les spectateurs bastiais ont fait preuve d’une grande retenue. Il importe aussi de souligner que la décision de la Commission de discipline est particulièrement arbitraire et inique car, bien que n’étant pas une sanction mais une mesure conservatoire, elle interdit au SCB de faire appel, lui occasionne un préjudice financier et fausse à son détriment le contexte sportif. On remarquera qu’une fois encore, à travers une mesure aboutissant à stigmatiser le club bastiais, il est porté atteinte à l’image de Bastia et des Corses. En effet, peu instruits de la réalité des événements, beaucoup de continentaux amateurs de sport ont probablement déjà fait l’amalgame : Violence / Bastia / Corse.
Un déficit d’impartialité
On peut aussi ressentir de la colère et crier à l’ostracisme si l’on considère le contexte dans lequel est intervenue la décision de la Commission de discipline. Il faut d’abord rappeler qu’elle a été précédée d’un communiqué rédigé et signé par M. Thiriez, le président de la Ligue de football professionnel. Une heure à peine après la fin du match Bastia-Lens et avant même d’avoir pris connaissance du rapport rendu par le délégué de la Ligue présent lors de la rencontre, M. Thiriez a mis implicitement en accusation le SCB. Il a évoqué des « incidents répétés » nuisant à l’image du football français et à celle du club bastiais, et rappelé que le terrain de Bastia était sous le coup d’un match de suspension avec sursis suite à des incidents lors du match Bastia-Le Mans. Difficile de soutenir que la teneur de ce communiqué incitait à l’impartialité… D’ailleurs, un autre élément de contexte porte à s’interroger sur l’impartialité de la Ligue. Il réside dans le fait que la suspension du stade Armand Cesari a été prononcée sans même qu’aient été auditionnés des dirigeants du Sporting pourtant affectés par les blessures infligées à l’un des leurs par un joueur lensois. Enfin, il n’est pas certain qu’en exprimant leur soutien à M. Thiriez avant qu’intervienne la décision de la Commission de discipline, les présidents des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 aient contribué à un climat d’impartialité.
Quelques trublions isolés
Il apparaît évident que le SCB n’a pas bénéficié d’un traitement équitable. Surtout si l’on prend aussi en compte que les incidents ayant provoqué la suspension du stade Armand Cesari, ont eu pour origine l’agression d’un joueur bastiais par un joueur de Lens. Faut-il pour autant crier au « racisme anti-corse » ou affirmer que « Thiriez a fait plaisir à ses amis » ? Il n’est pas évident que cela soit pertinent. Aussi inique et arbitraire soit-elle, la décision de la Commission de discipline ne doit pas être le prétexte d’éluder que, comme l’a rappelé M. Thiriez, des incidents regrettables sont survenus, durant les derniers mois, dans l’enceinte du stade Armand Cesari ou aux alentours. Il est par ailleurs indéniable que quelques individus, aussi ultra-minoritaires que surexcités, ont quelquefois généré des climats d‘agressivité inacceptables ou eu des agissements intolérables. Il est probable aussi qu’accaparés par la gestion d’un club qui a failli disparaître, et que persuadés que des trublions isolés n’altéraient pas l’image généreuse du club, les dirigeants du SCB ont mésestimé l’irritation croissante de la Ligue. Aussi, sans céder sur son bon droit, il serait souhaitable que tout en sollicitant le soutien des autorités compétentes et l’esprit de responsabilité de l’immense majorité des supporters qui garnissent les tribunes du stades Armand Cesari, le SCB affirme et concrétise sa volonté d’être intraitable avec quelques casse-pieds qui ne lui font pas du bien.
Pierre Corsi