Bien que DSK ait reconnu des gestes déplacés dans un lieu très inapproprié pour une interview politique, il passera entre les gouttes de la Justice.
Je ne suis pas satisfaite de la décision du Parquet de Paris de classer sans suite la plainte pour tentative de viol déposée par Tristane Banon. Même si cette dernière considère comme une « première victoire » cette décision car le Parquet semble admettre comme une agression sexuelle les avances de DSK, cette affaire ne peut que laisser un goût amer à toutes celles qui sont soumises aux agressions ou aux harcèlements sexuels dans la vie courante ou dans le cadre professionnel. Bien que DSK ait reconnu des gestes déplacés dans un lieu très inapproprié pour une interview politique, il passera entre les gouttes de la Justice. Et comme la honte ne l’étouffe pas, car dans son monde « trousser la soubrette » est une activité ludique des plus communes voire des plus prisées, il a sans doute déjà tourné la page et n’hésitera pas bientôt à plastronner sur quelque plateau de télévision pour nous livrer sa science sur la résolution du problème de la dette. D’ailleurs son avocate a d’ores et déjà annoncé la couleur. Interrogée par les médias, elle a claironné que son client était en définitive nickel. « Quand quelqu’un fait l’objet d’une plainte et que cette plainte est classée sans suite, ça veut dire qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la personne, cela s’appelle être blanchi » a-t-elle commenté avec une belle assurance. Elle a même eu le culot de vouloir accabler la plaignante en ajoutant que la version des faits de Tristane Banon n’avait pas été crue par le Parquet puisqu’il y avait un classement sans suite de la plainte pour tentative de viol.
Allonger le délai de prescription
La réalité des choses a heureusement été rappelée par d’autres voix. Celles-ci ont souligné que DSK avait bénéficié de la prescription de faits avérés et n’était donc pas blanc comme neige. Certes, la tentative de viol n’a pas été retenue par le Parquet. En revanche, comme l’a relevé l’avocat de Tristane Banon : « DSK devra se satisfaire du statut d’agresseur sexuel non jugé, sauvé par une prescription trop courte ». Ce qui incite à soutenir la démarche de plusieurs associations féministes consistant à revendiquer une modification de la loi. Des groupes de femmes comme la Fédération nationale Solidarité Femmes, la Marche mondiale des femmes ou Osez le féminisme, après s’être indignée du classement sans suite, ont en effet appelé à un allongement du délai de prescription en matière d’agression sexuelle. Selon ces groupes militants, il devrait passer de trois à dix ans. Leur porte-parole a ainsi expliqué leur demande : « Il faut repenser les choses globalement pour que la justice passe en matière de crimes et délits sexuels, parce qu’il faut du temps pour se reconstruire, pour oser en parler et aller déposer plainte et parce qu’il est injuste que ce délit, pour une question de délai, reste impuni ». On peut certes considérer que dix ans, c’est très long. On peut aussi estimer que l’auteur d’une agression sexuelle aura varié dans son comportement avec les femmes, qu’il se sera amendé. Mais la première des considérations doit toutefois rester qu’une victime d’agression sexuelle a le droit et le besoin d’être reconnue en tant que telle et que si des preuves ou aveux de la véracité de ce qu’elle dénonce existent, il convient que cela donne lieu à un jugement. Ensuite, que l’on ne couvre pas d’opprobre et de chaînes le coupable s’il s’est montré exemplaire depuis les faits ou repentant devant la victime et les juges est une autre affaire et n’est pas écarter, bien sûr.
Alexandra Sereni