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Sondages : la petite fabrique d’opinions

vendredi 15 juillet 2011, par Journal de la Corse

Affaire DSK, présidentielle 2012, primaires du PS, élections régionales… autant d’événements prétextes à sondages. Les statistiques semblent être le dernier rempart pour donner de l’information et influer sur l’opinion, sous couvert d’alimenter le débat démocratique. Le pseudo pouvoir des chiffres. Car la fiabilité des sondages est sans cesse remise en question, la façon dont ils sont conçus et utilisés est sujet à caution, et la sacro sainte opinion n’est pas la girouette que l’on veut bien nous faire croire. Les moutons de Panurge ne sont pas forcément ceux que l’on désigne…

Influence sondagière

Selon la commission des sondages, 293 enquêtes ont été publiées pour l’élection présidentielle de 2007. Les sondages sont devenus comme un étendard rassurant ou pour faire réagir, comme ce fut le cas avec les intentions de vote en faveur de Marine Le Pen selon les trois scénarios proposés aux sondés par Harris Interactive, résultats qui ont résonné comme un coup de tonnerre dans une vallée en plein mois d’été. Même bruit et agitation lors de l’affaire DSK, qui a vu défiler sur nombre de plateaux télé des sondeurs de tous horizons : Ipsos, TNS Sofred, Ifop, CAP, BVA, CSA… Leur seule compétence et légitimité à s’exprimer serait d’être capable de décrypter l’opinion. Au nom de quoi ? D’autant que les sondages sont établis sur la base de questions mûrement réfléchies par les commanditaires et les prescripteurs, et ne sont pas forcément les questions que se posent réellement les sondés. À ce jeu des questions, il reste à prouver qu’il s’agit également des bonnes questions…

Changeante opinion

Les sondages mesurent l’opinion, ils ne la créent pas. Les médias, par le choix des sujets qu’ils mettent dans la lumière sont davantage faiseur d’opinion que les enquêtes. Il y a une relation entre ceux qui participent aux sondages (les sondés, le fameux panel représentatif volontaire et bénévole), ceux qui en parlent (les relais d’opinion, les médias), ceux qui paient pour en faire faire (les sondages sont faits sur commande) et ceux qui les font (les instituts de sondage). Il faut bien reconnaître que la fameuse opinion publique est une nébuleuse. Alors que l’on a du mal à obtenir une unité nationale, que d’aucuns reconnaissent les influences régionales, peut-on réellement parler « d’opinion publique » ? Compte tenu de tous ces paramètres, certains instituts jouent d’ailleurs le jeu territorial, comme Opinion Way, qui collabore avec Corsica Conseil, le premier institut de sondages de l’île de beauté, qui prend en compte des critères spécifiques, et se penche sur des questions propres à la Corse. Encore une preuve que le contexte dans lequel est établi le sondage est essentiel pour son interprétation, autant que la manière de formuler les questions. Par exemple, si on lance une enquête sur la Corse en commençant le sondage par des questions sur le procès Colonna, les grèves de la SNCM, les tarifs des liaisons aériennes, la mafia corse, les règlements de compte entre bandes organisées, cela orientera forcément les réponses. De même si le sondage commence par des questions sur la beauté des paysages, la nature, les traditions, la gastronomie, etc.

« Pifomètre »

Comme le reconnaissent les sondeurs, un sondage isolé ne vaut que s’il est partagé par d’autres. Autrement dit, un sondage tout seul est une bouteille à la mer. Sans oublier que les chiffres diffusés sont rarement bruts, ils sont « redressés », prenant en compte la marge d’erreur. Mais ces variables d’ajustement sont-elles indiquées (chiffres avant redressement, et chiffres redressés selon tels critères) ? Par ailleurs, il faut aussi remettre les pendules à l’heure, et les chiffres à leur place : ils servent avant tout d’indicateurs. Un « sondage » au sens de la loi est « une opération visant à donner une indication quantitative (au moins 1 000 personnes interrogées) de l’opinion d’une population au moyen d’un échantillon représentatif de cette population ». Donc tous les questionnaires et enquêtes ne sont pas des sondages, certains ne sont que des baromètres (mesures périodiques et régulières de côtes de confiance, d’avenir ou de popularité). Autrement dit, lorsque l’on a affaire à un sondage dit d’opinion, il ne faut pas le prendre… au pied du chiffre.

Maria Mariana

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