Plus de clarté pour moins de grèves !
L’Office des Transports doit simplifier le service public maritime en le limitant à une exploitation quotidienne et bon marché des lignes Ajaccio / Continent et Bastia / Continent, et en laissant l’initiative privée absorber les pointes de fréquentation occasionnées par le tourisme.
Train, avion, bateau… Il ne se passe pas un mois sans qu’un de ces trois modes de transport soit concerné par une grève. C’est irritant à plus d’un titre. D’abord, parce que cela entrave la liberté de se déplacer. Ensuite, parce que cela affecte la vie économique. Enfin, parce que cela perturbe uniquement les dessertes ou trafics de service public. Mais le pire du pire est que nous autres, usagers et contribuables, n’avons jamais notre mot à dire. Pour au moins deux raisons : on ne nous demande pas notre avis et, dans la grande majorité des cas, ces grèves relèvent d’intérêts qui ne sont en aucun cas les nôtres. Le seul rôle ou droit qui nous est implicitement reconnu est d’accepter de payer très cher, par le prix du billet et par l’impôt, le besoin d’être transporté. Le dernier mouvement de grève dans le secteur maritime, ne déroge en rien. Il se limite à un bras de fer entre des salariés et des compagnies dont la conclusion quelle qu’elle soit, ne servira en rien les usagers. Le trafic maritime de service public entre la Corse et le Continent a été récemment interrompu en raison d’une grève des marins des compagnies SNCM et Méridionale. Les grévistes exigent que les bateaux naviguant à partir de ports français relèvent du premier registre maritime métropolitain, ce qui impliquerait l’application aux équipages, d’un droit social particulièrement favorable. Chacun aura compris que les grévistes entendent ainsi contraindre Corsica Ferries qui exploite des lignes Toulon ou Nice / Corse, à renoncer à des registres dont les clauses sociales sont moins contraignantes et déterminent des dépenses moins importantes.
Le recours à la grève est une fois encore de trop. On peut certes comprendre que les grévistes n’apprécient pas une compagnie dont les pratiques sociales leur apparaissent contraires aux intérêts des salariés. Il est par ailleurs recevable qu’ils mettent en cause le versement à cette compagnie, par l’Office des Transports de la Corse, de l’aide dite sociale permettant de pratiquer des tarifs préférentiels pour certaines catégories de passagers au départ de Nice et Toulon. En effet, pourquoi subventionner au titre du service public une compagnie faisant dans « dumping social » ? Pourquoi aussi, en versant cette aide sociale, lui permettre de concurrencer durement le service public assuré par la SNCM et La Méridionale ? En revanche, on peut légitimement s’interroger sur la légitimité d’exiger que la Corsica Ferries renonce au registre d’un pays appartenant à l’Union Européenne. Il est en effet de son droit, pour peu qu’elle ne revendique pas de financements publics, de choisir la législation communautaire qu’elle juge la plus avantageuse. En résumé, j’ai envie d’affirmer que les grévistes ont peut-être raison de demander que le service public soit assuré par des compagnies pratiquant des régimes sociaux favorables aux salariés, mais certainement tort de vouloir entraver la gestion d’un secteur libre non subventionné. Ce qui d’ailleurs met en lumière la nécessité pour l’Office des Transports de simplifier le service public maritime. Il serait judicieux que celui-ci soit limité à une exploitation quotidienne et bon marché des lignes Ajaccio / Continent et Bastia / Continent au service des résidents et de l’économie corses, et laisse à l’initiative privée le soin d’absorber les pointes de fréquentation occasionnées par le tourisme. Nul doute que dans ce cadre, il serait possible de concilier une inscription des navires au premier registre métropolitain, d’assurer des droits sociaux conséquents aux équipages, de satisfaire les Corses et de ne pas dépasser les disponibilités de l’enveloppe de continuité territoriale.
Alexandra Sereni