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Sécurité, comme un mantra électoraliste

jeudi 16 février 2012, par Journal de la Corse

La sécurité semble être un sujet marronnier pré-électoral. Certes, il en existe bien d’autres. Mais celui-là, c’est un grand favori, tout parti confondu. Pourtant, on ne déplore aucun acte terroriste sur le territoire, les insurgés restent sages et loin, les banlieues n’ont pas trop flambé… Sans vouloir minimiser les problèmes de sécurité, notre pays n’est pas celui où l’on se sent le plus en danger au quotidien. Alors pourquoi remettre sous les projecteurs la question de la sécurité ? Sans doute parce que c’est un thème populaire, limite populiste.

Thème de campagne

Le thème de la sécurité arrive dans la campagne, avec une première pierre jetée par François Hollande à Dijon, sur « la sécurité des mineurs », puis en région parisienne auprès des professionnels, sur « l’indépendance de la justice ». Le candidat socialiste ne veut pas laisser ces thèmes de campagne à la droite, la majorité ayant fait voter une loi, en octobre dernier, sur l’encadrement des mineurs délinquants dans des centres de l’armée. Il s’agit de l’opération « Défense, deuxième chance », soit un dispositif pour les jeunes subissant de grandes difficultés d’insertion sociale et professionnelle en raison de leur comportement (il existe aujourd’hui vingt établissements publics d’insertion de la défense (Epide), en France). La délinquance et la violence en zone urbaine restent des sujets sensibles.

Sécurité consensuelle

Selon les déclarations de Claude Guéant, Ministre de l’Intérieur, le 17 janvier dernier, « Tous ceux qui habitent dans notre pays ont droit à la sécurité, qu’ils habitent dans des zones sensibles ou dans des zones tranquilles, dans des grandes villes, dans des villes moyennes ou dans des villages ». Une sorte de postulat de base pourrait-on dire. Mais avoir le sentiment d’être en sécurité est une corde que certains aiment bien titiller. Ainsi, en octobre dernier, une vidéo a-t-elle fait le buzz : celle de Joël Censier qui racontait avec émotion le meurtre de son fils et les défaillances du système, appelant à signer le pacte 2012 de l’Institut pour la Justice (IPJ). Si les intentions restent louables, « perpétuité réelle pour les grands criminels », « surveillance à vie des délinquants sexuels », etc. les moyens sont sujets à caution et inquiètent les magistrats qui y voient une action de lobbying très habile pour instrumentaliser les victimes et réussir à peser sur la présidentielle. Car les politiques aiment à s’emparer de ce refrain, quitte à rabâcher les mêmes promesses ou à enfoncer les portes ouvertes. Qui pourrait vouloir moins de sécurité ? Ce qui n’est pas détaillé, c’est le prix que les citoyens paient pour ça, leurs libertés s’en trouvant amoindries, comme le disait Jean de la Fontaine dans une de ses fables « L’adversaire d’une vraie liberté est un désir excessif de sécurité. »

De sécurité à sécuritaire

Cela n’empêche pas les caméras de fleurir dans les villes. En 2010, le développement de la vidéo protection a coûté 30 millions d’euros à l’État, qui incite les communes à s’équiper de caméras en finançant 50 % de l’investissement (la ville de Porto-Vecchio avait d’ailleurs fait valoir l’efficacité de ce système pour lutter contre les petits délits, afin de justifier l’installation de 35 caméras de vidéosurveillance). Et le plan national de sécurisation des transports n’échappe pas à cette mode puisqu’il s’agit notamment d’équiper les rames et gares de 25000 caméras d’ici à 2012-2013. De sécurité à sécuritaire, il n’y a qu’un pas, qui n’empêche pas l’insécurité de proliférer. Pour preuve, le bilan très contrasté de la politique sécuritaire mise en œuvre pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. D’autant que ce type de position peut amener à des dérives comme celle qu’avait relevée la ligue des droits de l’Homme (LDH) en Corse, suite à un tract tendancieux et ciblé contre les personnes d’origine maghrébine qui circulait depuis les attentats du quartier des Cannes. Preuve que la frontière peut être tenue et que les mesures sécuritaires qui font suite à des violences épisodiques ne sont qu’une façon de s’emparer de faits divers pour en faire l’étendard de la sécurité, au détriment des libertés. Est-il besoin de rappeler la devise de notre République « Liberté, égalité, fraternité » ? Ou de citer Benjamin Franklin, « Ceux qui abandonnent une liberté essentielle pour une sécurité minime et temporaire ne méritent ni la liberté ni la sécurité. »

Maria Mariana

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