L’emploi est toujours un sujet sensible, un fer de lance du débat social, moins virulent que la retraite, tout aussi délicat que la Sécurité sociale, et pourtant un enjeu de société indéniable. Est-il utile de rappeler que si l’économie de la Corse a été longtemps dominée par l’agriculture et l’élevage, elle se compose aujourd’hui surtout de commerces et d’industrie touristique (hôtels, loisirs) ? Or l’on sait que la saisonnalité de l’emploi liée au tourisme est un problème majeur, parce que majoritairement synonyme de précarité.
L’été booste l’emploi
Près de 20% des emplois dans les services sont saisonniers, et la saisonnalité de l’emploi progresse d’années en années, selon les statistiques officielles. Cela ne va pas faire les affaires de la baisse du chômage dans l’île malgré tout puisque ces emplois saisonniers sont surtout occupés par des travailleurs continentaux venant travailler en Corse pour quelques mois et qu’un autre tiers est occupé par des étudiants (« job d’été »). Si l’été, traditionnellement, booste les chiffres de l’emploi, cela ne va pas résorber spectaculairement la crise sociale qui touche la Corse de plein fouet. 9,2% de chômeurs, trois fois plus que sur le continent. Certes le tourisme va permettre à certains jeunes de retrouver une activité pendant quelques mois. Donc l’été va permettre une embellie, mais cela ne sera pas pérenne, puisque compte tenu de la saisonnalité de l’activité économique en Corse, le principal motif d’inscription au Pôle Emploi est « la fin de contrat ». La Corse reste fragile socialement et économiquement.
Premiers jobs, l’été
La « génération précaire », celle qui se sent sacrifiée, celle des stagiaires mal payés et exploités est aussi celle qui bénéficie le plus de cette embellie estivale de l’emploi puisque la plupart des jeunes se lancent dans le monde du travail pendant l’été. Le fameux « job d’été » permet aux entreprises soit de faire face à une hausse ponctuelle d’activité, soit de remplacer les salariés partis en vacances. La quête de ce type de contrat commence en général dès le printemps, la « journée du Job été » organisée par le CRIJ Corse s’étant tenue le 30 mars dernier. Un guide est d’ailleurs édité pour aider les jeunes dans cette recherche. L’occasion pour les jeunes de se retrouver confrontés à la réalité du marché de l’emploi et des entretiens d’embauche avec tout le cérémonial que cela induit (lettre de motivation, CV, présentation). La principale mise en garde reste celle sur le travail au noir, plutôt répandu dans la restauration et l’hôtellerie, mais qui s’avère un très mauvais calcul en cas d’accident, le jeune n’étant couvert par aucune assurance.
Saisonniers et précarité
Les entreprises qui ont besoin de renfort de main d’œuvre plus longtemps que les deux mois d’été font appel aux saisonniers. En 2007, la Haute-Corse comptait 4.500 emplois saisonniers, selon les chiffres de l’Insee. Ils sont moins nombreux qu’en Corse-du-Sud. « Néanmoins, les contrats longs sont plus fréquents, en particulier ceux qui couvrent l’ensemble de la saison. Les employeurs de Haute-Corse ont moins souvent recours à du personnel continental que dans le Sud de l’île. » Les salariés venant du continent ne représentent que 28% des emplois saisonniers contre 36% en Corse-du-Sud. Rien que pour l’arrondissement de Sartène, 3.500 salariés sont en moyenne recrutés pour assurer la saison, qui dure sept mois, d’avril à octobre, et plus du tiers de ces employés viennent du continent. Les saisonniers sont essentiellement des jeunes, qui occupent des postes d’employés, et qui n’ont généralement pour seul emploi que celui de la saison, leur rémunération est habituellement faible. L’un des principaux problèmes pour les saisonniers reste le logement. L’autre problème majeur étant la précarité. Sans oublier le souci de la couverture maladie : les saisonniers ne bénéficient pas d’une mutuelle toute l’année. Ils ont également du mal à se former, la formation professionnelle se faisant dans le cadre d’un contrat de travail. Ceci explique en partie la remarque de Thierry Grégoire, président de la Fédération nationale des saisonniers « les employeurs font face à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée ». Un problème qui n’est donc pas une spécificité insulaire ainsi que certains le laissent entendre.
Maria Mariana