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Revenu des ménages : Tout le monde n’est pas à la fête !

jeudi 24 mai 2012, par Journal de la Corse

Le revenu médian des ménages corses comble une partie de son différentiel négatif avec celui des ménages hexagonaux. Mais beaucoup d’insulaires vivent de plus en plus mal.

Chez nous, selon l’INSEE, le revenu médian des ménages a explosé entre 2002 et 2007. Serions-nous devenus plus riches en peu de temps. Oui ! Tout irait-il pour le mieux dans le meilleur des mondes ? La rentrée s’annoncerait-elle humainement et socialement moins problématique que beaucoup le redoutent ? Rien n’est moins sûr ! Le revenu médian est une mesure de diagnostic social qui scinde la population en deux parties : celle qui dispose de revenus bien plus élevés que le point médian, l’autre de revenus moins élevés. Aussi, derrière un revenu médian apparaissant convenable, peuvent se cacher de grandes inégalités. C’est malheureusement vérifiable dans notre île.

Les retraités fortunés de la rive Sud

Le revenu médian insulaire est passé de 12.660 euros en 2002 à 15.600 euros en 2007. S’il est resté inférieur à celui relevé au niveau national (17.493 euros), sa progression a été supérieure à celle de l’inflation et à celles constatées dans les régions aux revenus les plus élevés. La Corse revenant progressivement dans la moyenne des régions françaises, il y aurait a priori matière à se réjouir. Mais derrière cette globalité encourageante, il existe de grandes disparités sociales. Dans les zones urbaines de l’île, la situation des jeunes défavorisés se dégrade. Par ailleurs, l’écart entre les hauts et les bas revenus a tendance à se creuser bien plus qu’en d’autres régions. Ces fâcheuses évolutions ne sont pas la norme nationale même si elles concernent aussi des entités aussi importantes qu’Ile-de-France ou PACA. L’INSEE produit d’ailleurs une explication censée être de portée générale : « Sur un territoire, le départ de ménages pauvres ou l’arrivée de ménages aisés sont en général les principales explications à des augmentations de revenus plus élevées qu’au niveau national ». En Corse, l’arrivée de retraités aisés semble être le facteur le plus déterminant. Si l’on considère que la progression du revenu médian concerne l’ensemble de l’Ile, mais que l’évolution la plus positive se situe le long de la rive sud d’Ajaccio, cela apparaît très plausible. Il n’est un secret pour personne que dans ce secteur soumis à une forte demande de résidences secondaires et à des phénomènes de spéculation foncière, les retraités fortunés venus d’ailleurs ont tendance à pulluler…

Une pauvreté élevée

La pauvreté joue aussi un rôle chez nous. Et pas le moindre ! Certes, le « départ de ménages pauvres » invoqué par l’INSEE n’influe guère pour élever le revenu médian. Les Corses pauvres n’émigrent plus ! En revanche, l’Institut souligne que la Corse subit une pauvreté élevée n’épargnant aucune classe d’âge. Il relève même que « les couples avec ou sans enfant comme les personnes seules sont touchées ». Aussi, malgré un revenu médian qui progresse, la Corse reste dans le peloton des régions les plus frappées par la pauvreté. Si l’on ajoute ce constat à celui des inégalités précédemment évoquées, cela fait beaucoup. Cela classe la Corse parmi les territoires métropolitains où la pauvreté devient de plus en plus importante. Comment ne pas le croire ? Pour s’en convaincre, nul besoin de se référer aux statistiques. Chacun d’entre nous connaît un ménage d’émigrés vivant de minimas sociaux, un couple de retraités pauvres, un jeune n’ayant jamais accédé à l’emploi et un père de famille en situation de chômage longue durée. Aussi, pour le commun des mortels que nous sommes vous ou moi, peu importe au fond de savoir que le revenu médian progresse. Seul s’avère utile (et douloureux) de savoir pourquoi la Corse s’enfonce dans le déséquilibre et les désordres. Vivre au quotidien la privation et la pauvreté est déjà difficile. Subir cela alors que d’autres, dont beaucoup venus d’ailleurs, festoient à deux pas de chez soi, devient intolérable. Ne cherchons pas plus loin les causes profondes d’une action clandestine persistante, d’un alcoolisme préoccupant, d’une toxicomanie galopante, d’une prostitution en progression, d’une délinquance toujours plus précoce, violente et exponentielle…

Alexandra Sereni

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